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combat, sont également admises dans le concours des récompenses célestes. Ta mère a entendu la voix qui disait à Abraham : « Sors de ton pays et de ta famille. » Elle a entendu cet autre cri poussé par la bouche du prophète : « Fuyez du milieu de Babylone et sauvez vos âmes. » Elle est partie, elle n’a point regardé derrière elle ; elle n’a point regretté les délices de l’Égypte, et son pied n’a pas touché de nouveau la Chaldée. Escortée d’un chœur de vierges, elle est venue se faire près de cette étable la compatriote du Sauveur.

« O Paula, adieu ! Soutiens par tes prières la vieillesse défaillante de celui qui te vénère et qui t’aime. Associée au Christ par le mérite de la foi et des œuvres, et présente au tribunal du juge, plaide pour moi : ta voix sera plus puissante là-haut qu’elle n’aurait pu l’être ici-bas ! » Puis, en proie à une de ces réminiscences classiques qui s’agitaient tumultueusement dans sa mémoire, mêlées au langage des prophètes, et qui le ressaisissaient aux momens de grande émotion, il s’écrie avec la conscience de sa gloire : « J’ai achevé un monument plus durable que l’airain, une œuvre que le temps ne détruira point. J’ai écrit ces pages pour toi, et j’ai gravé ton éloge sur ton sépulcre, afin que, en quelque lieu que parvienne ce livre, on sache que tu as été louée à Bethléem, et que ta cendre repose à Bethléem. »

Il prit ensuite les dernières dispositions pour la demeure mortuaire de Paula. La chambre sépulcrale qui devait contenir le tombeau fut taillée dans le roc vif, tout près de la grotte où lui-même avait placé son lieu favori de méditation et de travail. Elle s’ouvrait sur une galerie naturelle qui conduisait de cette grotte à la crypte de la Nativité. Lui-même aussi composa, comme il nous le dit, les inscriptions qui la décorèrent. La première, gravée sur le tombeau, portait « que la femme qui dormait là de son sommeil en Dieu était petite-fille de Scipion, de Paul-Émile et des Gracques par sa mère, d’Agamemnon par son père ; qu’elle s’appelait Paula du nom de sa famille ; qu’elle était la mère d’Eustochium et la première matrone du sénat romain ; qu’ayant embrassé la pauvreté du Christ, elle était venue habiter les campagnes de Bethléem. »

Cette inscription était en vers latins hexamètres. Une seconde, également en vers, fut placée au fronton de la chambre sépulcrale. Elle disait : « Passant, vois-tu ce petit sépulcre creusé par le ciseau dans le rocher ? C’est la demeure passagère de Paula, qui habite les royaumes célestes. Frère, enfans, richesse, patrie, Rome enfin, elle avait tout quitté pour venir vivre, près de la sainte caverne, à Bethléem. Elle y repose à son tour. Là-bas est le berceau du Christ, plus loin les mages ont offert à l’Homme-Dieu les dons mystiques de la foi : ici est le tombeau de Paula. »

Au-dessous, on lisait ces lignes écrites en prose :