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et elle, elle se moquait de leurs richesses. Nous vîmes là une confusion digne des triomphes de Dieu : l’or, la pourpre, la soie, s’abaissant devant la serge noire et usée et se faisant ses serviteurs ; nous bénîmes alors le Seigneur, qui rend sages ceux qui sont humbles, fait de l’humilité la suprême élévation, et laisse là les riches dans leur indigence. »

Paulin les reçut dans sa cabane, comme il l’appelait, cabane capable pourtant de les contenir tous avec leur suite, « les riches comme les saints. » C’était un grand bâtiment en forme de monastère à deux étages, séparés par un corridor longitudinal sur lequel s’ouvraient des cellules. Outre cette partie du logement qu’on appelait le cénacle, des salles spacieuses étaient consacrées aux réunions communes et à la table. De vastes portiques régnaient à l’extérieur. De deux petits jardins attenant à l’habitation, l’un, celui des légumes, était assez stérile et fort mal cultivé, de l’aveu même de Paulin ; l’autre, planté d’arbres fruitiers, communiquait avec la basilique de Saint-Félix, où les habitans de la maison avaient une entrée particulière. Paulin entretenait là quelques commensaux à demeure et des visiteurs plus nombreux qui, sans être moines, se pliaient comme lui aux pratiques de la vie ascétique. L’ancien sénateur que le vœu du peuple de Nole, ou plutôt sa violence, devait élever bientôt à l’épiscopat de cette ville avait alors, pour son occupation la plus active et la plus chère, la glorification du martyr Félix, dont les reliques étaient déposées dans la basilique voisine. Chaque année, par des constructions faites à ses frais, il ajoutait aux anciennes nefs des chapelles ou des nefs coordonnées avec les premières, et qui donnaient à l’ensemble l’apparence d’une petite ville. La quatrième venait à peine d’être terminée avec une magnificence tout impériale, que déjà une cinquième s’élevait au-dessus du sol. Félix était en effet le grand saint de la Campanie, et les vertus attribuées à son tombeau y attiraient une foule incessante de peuple. Les femmes croyaient lui devoir leurs enfans, les enfans la vie de leurs pères, le laboureur les moissons de son champ, le vigneron l’abondance de sa vigne, et Paulin lui-même vit dans ce puissant patron la main qui remontait les cordes de sa lyre, devenue chrétienne, et le ramenait dans les sentiers du Parnasse, qu’il n’osait pourtant plus nommer. Du cénacle et des parloirs, on entendait l’écho des chants de l’église. Quand la nuit fut venue, Mélanie se déroba à sa compagnie pour aller se joindre aux troupes d’enfans dont les chœurs retentissaient sous les voûtes de la basilique. Les autres visiteurs, gens du monde, d’un caractère et d’un genre de vie bien différens, ne l’imitèrent point ; ils s’abstinrent néanmoins de toute conversation et de tout bruit, tant que