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la prospérité de la nation. Bientôt après l’acquittement de la dette, il y avait déjà surabondance d’argent dans le trésor fédéral, et 200 millions de francs qui se trouvaient de trop dans les caisses publiques par suite de l’accumulation des excédans du revenu furent distribués aux états, et par les états aux diverses villes de l’Union, qui employèrent cet argent à fonder des écoles, des bibliothèques et d’autres établissemens d’utilité générale. Il n’y a pas dix ans que, se trouvant en possession d’un autre excédant de recettes, le gouvernement fédéral fit racheter à près de 20 pour 100 de prime ses propres obligations, portant 6 pour 100 d’intérêt. L’expérience du passé et les traditions nationales rendent le peuple américain très désireux de se débarrasser encore une fois, et promptement, du fardeau de la dette. C’est à ce point de vue qu’il faut regarder le mouvement qui se produit actuellement pour acquitter par voie de souscription publique l’énorme capital de 16 milliards. Déjà les actions souscrites dans cette entreprise financière d’un nouveau genre s’élèvent à un chiffre considérable ; mais quel que soit le résultat définitif de cette tentative, dont la réussite serait un des épisodes les plus remarquables des temps modernes, qu’il nous suffise de dire que cette proposition, faite après une terrible guerre, de payer par des cotisations privées une dette plus considérable que celle de la France, et seulement inférieure d’un quart à celle de la Grande-Bretagne, est une proposition sérieuse, et que les Américains riches ou seulement aisés y répondent avec empressement. C’est là, ce nous semble, un fait qui place au-dessus de toute espèce de doute la probité financière de ce jeune peuple et sa confiance dans ses ressources. Quand il s’agit d’une nation donnant de tels exemples, le mot de banqueroute n’est qu’une indigne calomnie.

Un fait qui se rattache aux oscillations du prix de l’or et des obligations des États-Unis témoigne d’une manière éloquente quelle est la sécurité du peuple en présence des engagemens contractés par le gouvernement fédéral. Tandis que le prix de l’or, réglé uniquement par les intérêts des obligations et non par le capital lui-même, s’élevait par secousses jusqu’à 184 au-dessus du pair, les obligations connues sous le nom de five-twenties et les obligations du trésor, payables en papier-monnaie et non en or, étaient à peine influencées par l’état du marché monétaire et se maintenaient à leur prix normal. Au mois de juillet 1864, l’or étant côté à 284, les obligations étaient à 104 1/2, et lorsqu’au mois de mai 1865 l’or fut tombé à 130, les obligations étaient encore marquées au prix de 104. Il n’est donc pas déraisonnable d’espérer que la valeur de l’or sera ramenée au pair, et que lorsque les paiemens en espèces auront été repris les obligations des États-Unis ne tomberont pas au-dessous de leur valeur nominale. Ce serait là dans l’histoire financière des nations un phénomène sans précédent et un éclatant témoignage de la confiance inébranlable que la probité de leur gouvernement inspire aux Américains.