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le choix des professeurs y est excellent, surtout dans la partie des sciences ; on a pris à tâche d’avoir au moins ce titre de supériorité ; il suffisait pour cela de s’adresser aux corps savans dont la ville abonde. C’est en effet la véritable revanche à poursuivre contre les établissemens dominans, et, conduite avec habileté, elle pourrait aboutir à une transaction. Il n’y aurait plus alors cumul, il y aurait partage, et l’université de Londres deviendrait la principale faculté des sciences, tandis que les facultés des lettres resteraient fixées à Cambridge et à Oxford. On dirait que le clergé établi a le sentiment de ce déplacement de puissance, et déjà il a pris les devans. Près des collèges de l’université de Londres, à laquelle il ne peut pardonner d’avoir accueilli les étudians de toutes les croyances, il a ouvert un collège du même degré où les étudians orthodoxes sont seuls admis. C’est le King’s college ou collège du roi, fondé en 1828, auquel est annexée une école préparatoire. Ces deux institutions étaient des instrumens de combat, et on les a organisées en conséquence. L’enseignement littéraire a été amoindri, l’enseignement scientifique a été fortifié. Comme tous les clergés, celui-ci tient pour légitimes les moyens qui réussissent : avant tout, il lui importe que les élèves ne sortent pas des vrais sentiers de la foi et que les sectes dissidentes ne souillent pas l’enceinte des écoles régulières. On ne saurait imaginer l’ardeur qu’il déploie pour qu’il en soit ainsi et de quel œil jaloux il surveille ce qui essaie d’échapper à son étreinte.

Ce qui précède met en évidence combien ces établissemens d’éducation supérieure ou secondaire diffèrent des nôtres. En vain chercherait-on des analogies, des points de rapprochement : tout est dissemblance, même dans les mots. Les universités anglaises n’ont rien de commun avec notre université, les écoles de grammaire ne sont pas nos lycées, les écoles des corps de métiers ne sont pas nos collèges. Le contraste n’est pas moins grand dans le régime que dans les dénominations. Nos écoles de tous les degrés ne pourraient vivre sans le trésor public, les écoles anglaises vivent de dotations qui leur appartiennent. Chez nous, l’état tient les écoles sous sa dictature ; chez nos voisins, les écoles ferment leurs portes à l’état quand il devient importun. Ici l’uniformité, là-bas la diversité. Lorsqu’en France on a adopté un règlement, un plan d’études, des matières d’examen, la consigne en circule dans toutes les écoles et doit être strictement obéie ; en Angleterre, les écoles trouveraient étrange qu’on leur taillât de loin ces ajustemens sans avoir pris leur mesure ni tenu compte de leur goût. Chacune d’elles préfère se façonner elle-même ces objets à son usage quand le besoin s’en fait sentir et dans les formes qui lui conviennent. Ces