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Les débuts de cette institution furent hésitans et timides ; elle semblait douter d’elle-même. Bon gré mal gré, elle eut d’abord à retrancher beaucoup sur les hardiesses qu’on avait projetées. Il y a des noms qui obligent ; le nom d’université est du nombre : il ne se sépare pas d’un fonds de notions qui rend familière aux hommes vivans l’existence des générations éteintes, et nous lie ainsi à nos ancêtres dans le génie des arts et la culture de l’esprit. Les programmes de la nouvelle université furent donc plus chargés qu’on ne Veut voulu de matières grecques et latines ; comment remplir les examens et conférer des grades, s’il en eût été autrement ? En revanche, on a forcé, autant qu’on le pouvait, les programmes des sciences, et pour leur donner plus d’apparence on y a introduit des superfétations. L’ensemble compose un assez médiocre enseignement. L’université de Londres a pourtant réussi auprès des classes moyennes ; plusieurs motifs y ont contribué. Le plus décisif a été une tolérance en matière de cultes dont les autres universités, plus directement placées sous l’influence du clergé, se défendent résolument. L’obligation de la résidence que maintiennent Oxford et Cambridge, et qui est inséparable d’une lourde dépense, a été une considération non moins déterminante. Enfin le choix du siège a beaucoup agi. La ville de Londres est une cliente comme il y en a peu dans le monde. Si elle eût accordé ses faveurs comme elle accordait son nom à l’institution naissante, les universités provinciales en auraient reçu un ébranlement ; elle y a mis de la mauvaise grâce, et les positions respectives sont restées ce qu’elles étaient. L’aristocratie a traité de haut ce travestissement des études, et la bourgeoisie opulente, qui volontiers prend la noblesse pour modèle, n’a pas montré un moindre dédain. Il n’est resté à l’université de Londres que la partie des classes moyennes sur laquelle ces préventions ne pouvaient avoir d’influence. Cet enseignement intermédiaire lui convenait ; il était ce qu’il fallait pour des gens d’industrie et de commerce, et peu leur importait d’ailleurs, pourvu qu’il y eût des grades au bout. Avoir un grade est la grande ambition d’un Anglais : cela fait bien à côté du nom ; mais il y a diplôme et diplôme, et ceux de l’université de Londres ne sont pas jusqu’ici en grand honneur. Aux yeux des docteurs d’Oxford, c’est de l’enseignement dégénéré, et ils enveloppent dans la même condamnation les écoles de grammaire qui ont consenti à un mélange dans leurs plans d’études.

Comme il était dit que Londres copierait jusqu’au bout les établissemens de la tradition, un collège d’enseignement supérieur a été créé comme annexe à son université. Ce collège prépare les élèves qui aspirent aux grades ; il est bien tenu et très fréquenté ;