Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à cette interdiction par l’expulsion de ses habitans chrétiens, et enfin, pour que la conversion parût bien complète, les contribuables druses, qui depuis l’émir Béchir n’avaient jamais payé l’impôt, ou qui ne l’avaient payé qu’avec l’argent des colons chrétiens, obéirent avec un empressement unanime à la première invitation de s’exécuter.

Pour avoir su violer à propos le règlement, et surtout pour n’en avoir pas suivi l’esprit, c’est du sein même de la plus inextricable difficulté que ce règlement créât, c’est de la question de Deir-el-Qamar, que Davoud-Pacha voyait ainsi sortir ses premiers moyens moraux et matériels de gouvernement.

Tout en se promettant bien de ramener à la raison un pacha qui employait son savoir-faire à enlever des prétextes à l’occupation ottomane, la Porte avait fermé les yeux sur la violation dont il s’agit. Le commissaire impérial en Syrie était toujours Fuad-Pacha, et bien que celui-ci n’eût pas tout récemment dédaigné, dans son impatience d’annuler coûte que coûte l’intervention française, de mettre sa fine et redoutable intelligence au service de cette lourde rouerie turque qui surprend et arrive à ses fins par la grossièreté même des moyens, par la poursuite brutale et inconsidérée du but immédiat, il recula effrayé devant la certitude d’un succès trop complet et trop prompt. La commission internationale siégeait encore à Beyrout pour surveiller et étudier la mise en train d’une organisation où chacune des puissances signataires avait glissé à la hâte quelques lambeaux de son idée favorite, mais dont le monstrueux ensemble, qui ne pouvait être bien saisi que sur place, commençait à effrayer plusieurs des commissaires. Le doute inquiétant qui planait sur le nouveau règne ne contribuait pas peu à les tenir en éveil sur le formidable usage que la Porte pouvait faire du règlement[1]. Le moment eût donc été doublement mal choisi pour rappeler Davoud-Pacha à la stricte exécution de ce règlement, car il n’en aurait pas fallu davantage pour que, dans huit jours, tout le Liban mixte fût en feu, — et ceci n’était pas une simple hypothèse. Lors de sa tournée au nord du Liban, le gouverneur ayant prolongé

  1. Le paquebot qui avait apporté à Beyrout la nouvelle de l’avènement du nouveau sultan et la confirmation des pouvoirs de Fuad-Pacha avait laissé à Chypre la grâce de dix-huit massacreurs de Djedda, qui se trouvaient exilés dans cette île, grâce bientôt suivie de la quasi-amnistie de Kourchid-Pacha, de Taher-Pacha et autres organisateurs des massacres du Liban.