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oblique ? Pourquoi cette figure est-elle en mouvement alors que toutes les autres sont immobiles ? Il y a là contre l’harmonie linéaire une faute que l’accord entre elles des parties environnantes permet d’autant mieux de relever, comme aussi le choix ingénieux des ajustemens et des couleurs dans chacun des dix autres tableaux nous donne le droit de regretter dans la figure de Charlemagne une certaine insuffisance de ton et de caractère.

Quelle que soit au surplus la valeur de ces objections de détail, les peintures de la chapelle de l’Élysée attestent un talent aux inclinations élevées, aux doctrines saines, confirmées par une longue familiarité avec les maîtres comme par les traditions et les souvenirs de l’école où il s’est formé. Il n’y a que justice à ajouter qu’elles révèlent un surcroît de certitude dans la manière de l’ancien élève de M. Ingres et un progrès sur ses œuvres précédentes, — sur les peintures entre autres dont il a décoré la nef de Saint-Louis-d’Antin et les murs de deux chapelles à Saint-Séverin et à Saint-Merry. Bien que dans la chapelle de Saint-Séverin par exemple M. Cornu nous eût donné déjà une jolie figure de saint Cloud, celle qu’il a imaginée pour représenter une seconde fois le même personnage a une grâce plus délicate encore et plus expressive. Le coloris d’ailleurs en complète très heureusement le sens, et l’on peut signaler, comme un spécimen de fine harmonie, le choix et la proportion des tons associés dans cette figure, — depuis la blonde chevelure du saint et la teinte violette de son manteau jusqu’au blanc de la tunique, dont l’éclat tempéré achève de s’adoucir au contact du ton vert de la bordure qui la garnit, et par le voisinage des tons, plus vifs encore, qui modèlent les jambes et les pieds.

Après ce chaste saint Cloud, auquel sainte Blandine sert de digne pendant par l’innocence de la physionomie et le charme juvénile des formes, les meilleurs tableaux de la série nous semblent être ceux qui représentent saint Pothin et saint Irénée, saint Denis et saint Martin de Tours. Peut-être, même ici, l’énergie du pinceau ne laisse-t-elle pas de faire un peu défaut ; peut-être retrouve-t-on dans le dessin intérieur quelque chose de cette correction un peu molle dont nous parlions il y a un instant. En tout cas, ces quatre figures rachèteraient ce qui leur manque du côté de la précision et du modelé par l’ampleur et l’exactitude des silhouettes, par la noblesse sans emphase des attitudes, par une signification morale dont les autres parties du travail sont d’ailleurs également pourvues.

Les peintures de la chapelle de l’Élysée ne forment donc pas seulement un complément satisfaisant de l’architecture, un ensemble harmonieux au point de vue des couleurs et de l’effet ; elles se distinguent de la plupart des toiles qui amusent nos regards au jour le jour, qui encombrent chaque année le Salon, par une expression évidente de bonne foi, d’intentions loyales, de nobles désirs, d’ardentes aspirations vers le beau. Comme les travaux récens de M. Timbal à Saint- Sulpice, comme les peintures de M. Lenepveu dans la même église, elles prouvent que les graves croyances n’ont pas cédé partout la place au culte des réalités vulgaires ou des me-