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la tribune, — les riches moulures qui marquent les divisions du plafond ou la courbe des arcades plaquées le long des murs, — tout exprime, sans l’afficher, la magnificence, tout intéresse le regard sans mécontenter la raison, sans laisser soupçonner une arrière-pensée d’ostentation sous ce luxe dont le goût a réglé les dehors et tempéré l’éclat. La chapelle du palais de l’Élysée a un autre mérite, assez rare dans les œuvres de l’art contemporain : elle n’accuse aucun excès de l’esprit archéologique, aucun effort pour donner le change sur l’époque où elle a été construite et pour simuler une image des anciennes mœurs. Je sais, comme tout le monde, les lois qu’en matière d’architecture ecclésiastique prescrit l’immutabilité du dogme, et par conséquent les devoirs imposés aux artistes dans la partie proprement religieuse de leur travail ; mais, pour ce qui concerne seulement l’art et les moyens d’exécution, est-il nécessaire, est-il juste de se confiner dans l’imitation servile du passé, d’y placer bon gré mal gré l’idéal du présent, de nier ainsi le progrès ou tout au moins l’évidente mobilité des choses humaines ? Contrairement à l’opinion d’une école un peu trop en faveur aujourd’hui, il nous semble que les architectes seraient malavisés de s’évertuer à contredire absolument leur temps, qu’ils peuvent, sans en subir tous les caprices, en accepter du moins les aspirations légitimes, et qu’au lieu de copier littéralement les ornemens à l’usage de tel ou tel siècle, ils feront bien d’en agencer pour leur propre compte qui correspondent aux convenances actuelles et aux idées de l’époque où nous vivons. L’architecte de la chapelle de l’Élysée est apparemment de notre avis, puisqu’il n’a voulu donner à son œuvre ni une date mensongère ni une physionomie toute d’emprunt. En s’inspirant, de préférence à d’autres modèles, des monumens de l’art byzantin, il ne s’est pas condamné pour cela à n’en éditer qu’une contrefaçon stérile. Qu’il ait toujours rencontré dans les détails la délicatesse ou la fermeté, que les innovations ou les combinaisons tentées par lui aient eu pour résultat invariable l’élégance, la pureté du style, c’est ce qu’on ne saurait affirmer, si l’on examine de près certaines parties, — le champ de marbre vert entre autres sur lequel se répètent, au bas de chaque tableau, des lignes d’or assez inutilement tourmentées et encadrant avec quelque lourdeur l’abeille impériale, — ou bien les ornemens et les tons d’une coquetterie un peu banale qui couvrent la surface du plafond. Il n’en est pas moins vrai que les formes et les couleurs réunies par M. Lacroix composent un ensemble très digne d’éloges. Exempte de prétention fastueuse comme de pédantisme archaïque, la chapelle du palais de l’Élysée satisfait aux exigences les plus graves, aussi bien qu’aux conditions où l’art et les convenances sont seuls intéressés.

Les peintures, dont l’exécution a été confiée à M. Cornu, tiennent une place considérable dans la décoration de cette chapelle. Outre le fond du sanctuaire, orné d’un médaillon et de deux dessus de porte représentant Jésus-Christ en buste et deux anges à mi-corps, elles remplissent sur les