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plus sensément conçues et exécutées, une des mieux appropriées aux exigences diverses que nous rappelions tout à l’heure. À ce titre, elle mérite de sérieux éloges, et en tout cas elle commande l’examen.

Pour l’architecte chargé de construire la chapelle du palais de l’Élysée, le problème se compliquait de certains empêchemens matériels, indépendans des difficultés inhérentes aux tâches de ce genre en général. L’exiguïté de la superficie ne permettait pas de multiplier les divisions architectoniques, d’indiquer, même à l’état d’esquisse, soit la figure consacrée de la croix, soit la forme renouvelée des basiliques, d’une nef aboutissant au chœur parallèlement à deux bas-côtés. Une salle, ou si l’on veut une galerie étroite, longue à peine de quatorze ou quinze mètres, éclairée d’un seul côté par trois fenêtres et couverte d’un toit horizontal à très peu d’élévation au-dessus du sol, voilà l’ingrat espace où il s’agissait d’opérer. Comment féconder ce champ aride, comment isoler suffisamment le sanctuaire sans restreindre outre mesure les places réservées à l’empereur, à sa famille, à sa maison ? Et d’une autre part le moyen de rapprocher sans irrévérence, de confondre dans une sorte de pêle-mêle, non-seulement les choses sacrées et les choses temporelles, mais aussi les personnes et les rangs ? Dans l’impossibilité où il était d’élargir ou de prolonger l’espace compris entre ces murs, M. Lacroix a pris le parti de le partager en plusieurs plans, de manière à reconquérir sur la hauteur, si médiocre qu’elle fût, les moyens qui lui manquaient ailleurs d’établir des lignes de démarcation. En face de l’autel érigé, à l’extrémité et sur le sol même de la chapelle, dans un enfoncement dont l’obscurité enveloppe à demi la table des saints mystères et fait d’autant mieux resplendir la lumière des cierges autour du tabernacle, une première tribune s’élève, communiquant par des degrés avec la partie inférieure qui précède le sanctuaire et qui tient lieu de chœur. Cette tribune, fermée de chaque côté par les murs latéraux de la chapelle et s’ouvrant, dans la direction de l’autel, en trois baies que séparent deux groupes de colonnes accouplées, cette sorte d’estrade monumentale est destinée au souverain et à sa famille. Plus loin, sur deux plans progressivement exhaussés et reliés entre eux par quelques marches, s’étagent les autres personnages de la cour. Enfin, derrière ceux-ci, deux portes donnent accès à la chapelle et la mettent en communication avec les appartemens du palais.

On le voit, l’ordonnance architectonique est ici fort simple ; mais il y a de l’imagination dans cette simplicité, puisqu’elle résulte de combinaisons que la disposition primitive des lieux ne suggérait ni ne favorisait nullement par elle-même. Quant au mode de décoration adopté, il faut savoir gré à M. Lacroix de la mesure qu’il a gardée entre la prodigalité et une parcimonie malséante dans une occasion semblable. Partout les matériaux précieux ont leur place, et une large place : ils n’usurpent rien cependant de celle qui appartient à l’art. Les ornemens que dessinent les marbres de couleur sur le pavé, sur la plinthe des lambris et sur le soubassement de