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les plus instructives sur ce point. Le détail de ces recherches ne peut trouver place ici : donnons-en seulement les conclusions. La première est celle-ci : en tenant compte de la taille, qui est beaucoup moindre chez les idiots, le développement cérébral moyen est au moins aussi considérable chez ces derniers que chez les autres hommes. A ceux qui prétendent que l’intelligence réside surtout dans la partie antérieure du cerveau, M. Lélut répond que la partie la plus développée du cerveau chez les idiots ou imbéciles est la partie frontale ; la partie occipitale est au contraire la plus rétrécie. Enfin, si l’on considère la forme du crâne, et par conséquent du cerveau, comme plus significative que le poids, il nous apprend que les idiots ont au moins autant que les autres hommes cette forme de tête allongée qui, depuis Vésale, est généralement attribuée à une plus forte intelligence. Ces trois propositions sont au nombre des plus importantes que la science positive ait établies en cette question, et il ne paraît pas qu’elles aient été depuis ni contestées, ni ébranlées. Elles nous montrent de quelle circonspection on doit user lorsqu’on prétend évaluer dans des balances grossières et avec des poids matériels cette chose impalpable, légère et ailée que l’on nomme intelligence !

En recueillant ainsi toutes les contradictions de la science sur le poids et la forme du cerveau dans leurs rapports avec l’intelligence, aurions-nous la prétention d’établir que la pensée n’a nul rapport avec l’organisation matérielle, qu’elle vit libre et indépendante sans avoir besoin d’organes pour s’exercer et se développer ? Non certes ; mais après tout il faut prendre les choses telles qu’elles sont, et, comme on dit, ne pas en mettre plus qu’il n’y en a. Les relations générales entre l’entendement et le cerveau sont incontestables ; mais toutes les fois que l’on veut préciser, mettre le doigt sur la circonstance décisive, on rencontre des pierres d’achoppement qu’on ne peut écarter. S’il en est ainsi, il serait sage et à propos de ne pas tant triompher, comme le font les matérialistes : non-seulement les raisons psychologiques et morales les condamnent irrévocablement, mais, même en physiologie, leur doctrine n’est qu’une hypothèse, qui laisse échapper un grand nombre de faits. Tous les bons observateurs sont d’accord pour reconnaître que, parmi les conditions physiologiques, il y en a qui nous échappent, et qu’il reste toujours dans ce problème une ou plusieurs inconnues. Pourquoi l’une de ces inconnues ne serait-elle pas l’âme elle-même ? L’un des savans les plus hardiment engagés dans les voies nouvelles, M. Lyell, n’hésite pas cependant à écrire : « Nous ne devons pas considérer comme admis que chaque amélioration des facultés de l’âme dépende d’un perfectionnement de la structure