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qui dénote que les montagnes de glace ne sont pas éloignées ; celles-ci apparaissent à leur tour dans le lointain, détachant leur masse d’albâtre entre la teinte grise des nuages et la teinte bleue de l’océan. Le navigateur est alors en pleine mer arctique et ne peut plus s’avancer qu’avec précaution, de peur de se heurter contre ces obstacles flottans qui descendent lentement, entraînés par les courans, vers les régions tempérées dont la chaleur les fera s’évanouir.

Le Groenland est, dit-on, la seule terre dont la vue ne réjouisse pas le marin après une longue traversée. Cela est peut-être vrai lorsque les montagnes sont toutes couvertes de neige et que les côtes escarpées ne présentent qu’un horizon de glaciers ; mais il n’en saurait être de même durant la courte période de l’été, tandis que les rayons du soleil sont presque chauds et que les vallées étroites entre les montagnes, les fiords, se recouvrent de mousse et d’herbes qui ont mérité à ce petit continent le nom de terre verte. A cette époque de l’année, les brouillards sont fréquens et épais dans ces parages, ce qui contribue sans doute à donner en peu de jours à la végétation un aspect presque luxuriant. Les ports du Groenland ne sont au reste que des lieux de relâche d’une médiocre utilité pour les baleiniers, car le pays est trop pauvre pour nourrir ses propres habitans et importe du Danemark une grande partie de ce qu’il consomme.

Sur toute cette côte occidentale, — du cap Farewell, qui la termine au sud, jusqu’aux environs du 67e degré de latitude (l’étendue est d’environ 800 kilomètres), — on aperçoit de nombreux havres où les navires sont bien abrités et où la mer est si profonde qu’ils peuvent jeter l’ancre tout près du rivage. Par malheur cette terre ne produit rien, elle est presque inhabitée. Le pays est soumis au Danemark, qui a établi des gouverneurs dans les principales villes, à Julianshaab, Frederickshaab, Holsteinborg. La population totale n’atteint pas dix mille habitans, dont deux cent cinquante Européens ; le reste se compose d’Esquimaux, qui sont pour la plupart de sang mêlé par les alliances des natifs avec les immigrans danois. La pêche des baleines et des veaux marins, la chasse du renne, du renard et de l’eider sont les principales occupations des indigènes, et leur fournissent les seuls objets d’échange et de commerce dont ils puissent disposer. Des médecins, des instituteurs et des missionnaires, à qui le gouvernement danois donne, outre un modique traitement, les rations de vivres nécessaires à l’existence, pourvoient aux besoins les plus indispensables de ce pauvre peuple.

Un autre motif que la stérilité du sol et la rigueur du climat s’oppose à ce que les établissemens groënlandais acquièrent plus