Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/917

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

payer. Qui sait, après tout, entre quelles mains il était tombé dans ses premières spéculations ? Mais de là à blanchir complètement Calliste, comme le voudrait M. Dœllinger, il y a fort loin, et tout en me défiant des évidentes rancunes d’Hippolyte je ne puis oublier qu’il raconte des faits dont il a été témoin, dans un temps, dans une ville, dans une église où vivaient encore des hommes parfaitement en état de contrôler ses assertions. Si l’on se demande comment il se peut qu’un tel homme ait pu devenir par la suite l’alter ego d’un évêque romain qui devait le connaître, plus encore le favori du peuple chrétien, qui finit par le nommer son évêque, je répondrai d’abord que Calliste, d’après tout ce que nous en savons, devait être un homme très habile et un fort beau parleur, que probablement, quand il se peignait lui-même, sa palette n’était pas chargée précisément des mêmes couleurs que lorsque son adversaire tenait le pinceau, qu’enfin les évêques étaient alors nommés par le suffrage universel, et que, sans vouloir en médire, on doit bien avouer que ce genre de suffrage n’est pas toujours à l’abri des surprises.

Du reste Hippolyte n’y va point par deux chemins pour expliquer l’empire que Calliste sut acquérir sur l’esprit de Zéphyrin. Celui-ci, nous dit-il, était un ignorant, un illettré, peu au fait de la discipline ecclésiastique, et, qui plus est, un avare. Profitant adroitement de son faible, Calliste lui procurait de bonnes occasions, des cadeaux, des requêtes qu’il aurait dû repousser au nom des prescriptions disciplinaires, mais auxquelles il acquiesçait par cupidité. En même temps Calliste abusait de son ignorance théologique pour le pousser à des déclarations doctrinales qui semaient la zizanie dans la communauté ; puis il allait trouver les partis opposés, et, parlant à chacun d’eux un langage différent, il se faisait des partisans de tous les côtés, car il ambitionnait secrètement de succéder à Zéphyrin, et pour cela briguait la faveur générale. C’est ainsi que, selon ceux à qui il avait affaire, il était tantôt sabellien, tantôt de l’avis contraire.

Mais qu’était-ce donc qu’un sabellien ? Pour répondre à cette question, il faut interrompre un moment notre récit et remonter assez haut dans l’histoire du dogme de la divinité de Jésus-Christ.

Rien de moins arrêté, rien de moins formulé que les premières croyances chrétiennes au sujet de la personne de Jésus-Christ. Sans parler de l’idée que le Fils de l’homme se faisait de lui-même, il est visible que les divers auteurs du Nouveau Testament se rendent compte de différentes manières du divinum quid que tous reconnaissent en lui, et que toute conscience chrétienne, disons même religieuse, reconnaît avec eux ; mais sur cette base encore si peu