Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/913

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes lettres, qu’il est l’évêque, le seul véritable évêque de Rome, et que Calliste ne l’est pas. A quel titre se plaindrait-il, s’il a fait schisme, de ce que les excommuniés de son église sont accueillis dans une autre ? Pourquoi reproche-t-il simplement à son adversaire d’être un chef d’école, si à ses yeux il est un hérésiarque dans toute la force de ce terme ? Pourquoi enfin le chronographe de 354, cet annaliste sérieux qui nous apprend qu’Hippolyte et l’évêque Pontien partirent ensemble[1] pour l’exil meurtrier des mines de Sardaigne, désigne-t-il avec intention Hippolyte comme presbytre ? Aurait-il désigné de cette manière à côté d’un pape un évêque schismatique et hérétique ?

M. Dœllinger et M. de Bunsen ont donné chacun dans cette illusion qui consiste à reporter sur une époque d’organisation pénible et lente, où les institutions sont encore mal définies, les procédés d’un temps où les jurisprudences sont fixées, les titres et les pouvoirs qui en dérivent nettement déterminés. Certainement la dignité épiscopale au commencement du IIIe siècle était déjà fort élevée au-dessus du simple pouvoir presbytéral, avec lequel dans l’origine elle était confondue. Cela n’empêche pas qu’aux yeux d’Irénée il n’y a pas encore de différence spécifique entre les presbytres et les évêques, et Hippolyte, qui a lu Irénée, qui le cite, qu’on a même regardé comme son disciple, n’appelle jamais l’évêque de Lyon autrement que « le bienheureux presbytre Irénée. » L’opposition qu’il se voyait dans le cas de déclarer successivement à deux évêques ne pouvait faire de lui un partisan bien chaud de cette omnipotence épiscopale vers laquelle on marchait alors à grands pas, et ses expressions s’en ressentent, soit qu’il parle de lui-même, soit qu’il ait en vue ses adversaires. Bien loin d’exalter leur dignité, il tend à la restreindre. En revanche il aime à relever la sienne, profitant des libertés d’un temps où le membre d’un collège presbytéral pouvait encore se décerner ces attributions de haute sacrificature, de successeur des apôtres, qui furent plus tard exclusivement réservées à l’épiscopat. Plus de cent ans auparavant, la lettre de Clément de Rome aux Corinthiens assimilait les presbytres aux sacrificateurs de l’ordre lévitique. Disons plutôt qu’Hippolyte a été l’un de ces opposans systématiques, incommodes, avec

  1. Voici ce passage, d’un latin fort peu cicéronien : Eo tempore (a. 255) Pontianus episcopus et Hippolytus presbyter exoles sunt deportali in Sardinia in insula nociva Severo et Quintino cons. In eadem insula discinctus est IIII kl. oct. et loco ejus ordinatus est Anlheros XI kl. dec. cons., etc. C’est-à-dire : « En ce temps-là (235), sous le consulat de Severus et de Quintinus, Pontien, évêque, et Hippolyte, presbytre, furent exilés et déportés en Sardaigne, dans une île meurtrière. Dans la même île, Pontien fut déposé le 4e des kalendes d’octobre, et le 11e des kalendes de décembre Anthérus fut ordonné à sa place. » Au lieu de discinctus, dont le sens est fort obscur, M. Mommsen voudrait qu’on lût defunctus (il mourut), et ce serait beaucoup plus naturel.