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reux rival, les accusations d’hérésie et d’immoralité qu’il lui jette à la face, ainsi qu’à son prédécesseur et patron Zéphyrin, le souvenir confus transmis au poète Prudence de sa position schismatique, enfin son exil en Sardaigne en compagnie de l’évêque Pontien, car le schisme aurait duré, après la mort de Calliste, jusqu’en 235, et l’autorité impériale aurait jugé à propos de mettre fin aux troubles en déportant les chefs des deux partis. Si donc la mémoire du saint, qui se repentit peut-être en Sardaigne, ressort gravement atteinte de cette explication, celle des deux papes calomniés se trouve lavée des reproches que faisait peser sur elle l’odium theologicum d’un compétiteur éconduit.

M. Dœllinger, contrairement à l’avis des théologiens de Tubingue, fait grand cas de la statue d’Hippolyte, conservée au Vatican, et même elle lui fournit la preuve principale que c’est bien Hippolyte qui a écrit la Réfutation des hérésies. Sans aller jusqu’à en faire le portrait en pied d’Hippolyte, il pense qu’elle fut sculptée en son honneur, peu d’années après sa mort, par un de ses chauds partisans, et qu’elle nous renseigne parfaitement sur le costume et l’attitude d’un évêque chrétien de la première moitié du IIIe siècle. Ce serait le plus ancien monument chrétien de ce genre.

Telles furent les trois hypothèses principales auxquelles donna lieu la découverte de M. Miller : le livre est d’Hippolyte, évêque de Porto et presbytre de Rome, dit M. de Bunsen ; il est de Caïus, dit-on à Tubingue ; il est d’Hippolyte, évêque schismatique et antipape, dit-on à Munich. Nous avons fait grâce au lecteur de mille détails subtils de la discussion qui avait précédé et qui suivit ces trois explications. Par exemple on devrait se demander pourquoi Théodoret, au Ve siècle, cite des fragmens entiers de l’œuvre d’Hippolyte sans le nommer, sans même accuser connaissance des autres parties de l’ouvrage ; pourquoi on avait attribué à Origène le premier des dix livres qui le composent ; quel rapport enfin il peut y avoir entre l’œuvre d’Hippolyte et un traité latin annexé à la Prescription de Tertullien, traite qui présente d’étroites analogies avec l’ouvrage du controversiste romain. Cherchons maintenant à résumer les résultats que l’on peut considérer comme acquis.

C’est bien Hippolyte qui est l’auteur de la Réfutation des hérésies ; mais ce livre, écrit en grec et d’une lecture laborieuse, fut assez négligé, vite oublié dans l’Occident latin, qui n’était pas grand clerc à cette époque et n’avait qu’un goût médiocre pour les recherches philosophiques. Le jour peu flatteur sous lequel il montrait deux évêques romains ne dut pas le recommander à leurs successeurs ; d’ailleurs il avait été précédé, Hippolyte le dit lui-même, par un exposé plus succinct, moins philosophique, moins compromettant aussi des différentes doctrines hérétiques. Ce petit ouvrage