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pas trop sévères et sachons gré seulement à la vieille université de n’avoir pas estimé trop dangereuse une publication portant un nom aussi mal noté que celui d’Origène dans les fastes de l’orthodoxie.

Malgré le bruit que faisait alors la grande exposition universelle, le livre fut remarqué. Non-seulement on y glanait des fragmens inédits d’anciens auteurs grecs, on y puisait de plus des données toutes nouvelles sur les divers mouvemens de la pensée religieuse au IIe siècle de notre ère. Le gnosticisme, cette effrayante fourmilière d’hérésies, dont nous avons tâché, dans un précédent travail[1], de décrire la nature et l’importance, s’y trouvait dépeint d’une main beaucoup plus ferme et savante que celle d’Irénée, beaucoup moins passionnée que celle de Tertullien. De là rectification de plus d’une idée qu’on s’était faite auparavant faute de renseignemens suffisamment clairs sur cette étrange foison de systèmes. On y trouvait des détails circonstanciés sur des sectes dont on connaissait à peine le nom, et qui cependant devaient avoir eu de l’importance. En particulier, une des branches principales de l’unitarisme chrétien des premiers temps, celle qui eut pour représentant classique Sabellius, cet unitarisme qui tend à confondre les deux personnes du Christ et de Dieu pour maintenir l’unité réelle de la Divinité, était l’objet d’une critique approfondie, jetant un jour tout nouveau sur son origine et son histoire. Chose étonnante, s’il fallait en croire le livre retrouvé, deux évêques de Rome dont on ne savait rien jusqu’ici, Zéphyrin (200-218) et Calliste (218-223), auraient ouvertement professé cette doctrine, si sévèrement condamnée plus tard. Enfin on pouvait y recueillir des détails pris sur le vif par un contemporain parfaitement renseigné sur la vie intime des chrétiens de Rome aux environs de l’an 200.

L’auteur annonce lui-même son dessein de réfuter péremptoirement les hérésies, qu’il a, dit-il, combattues auparavant sous une forme plus abrégée. Maintenant il veut les ruiner entièrement en exposant tout au long ces funestes doctrines, et surtout en montrant que les hérésies ne sont autre chose que des décalques des systèmes philosophiques du paganisme ou des doctrines sacerdotales de certaines corporations lointaines, telles que les druides gaulois et les brahmanes de l’Inde. Le premier livre est donc consacré à reproduire les principales doctrines philosophiques de la Grèce antique[2] ; le second et le troisième malheureusement nous

  1. Voyez l’article sur Irénée dans la Revue du 15 février 1865.
  2. Entre autres données intéressantes, signalons le premier système cosmogonique fondé sur la découverte des fossiles. Xénophane de Colophon (vers le VIe siècle avant Jésus-Christ) savait qu’on trouvait des coquilles marines dans les entrailles de la terre et sur les hautes montagnes. On avait découvert de son temps des empreintes de poisson dans les pierres extraites des carrières de Sicile et au sommet d’un mont dans l’île de Paros. C’est sur de tels phénomènes qu’il basait sa théorie d’un mélange primitif de la terre et de la mer.