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dance et à l’oisiveté la plus complète, retire de cette vente les ressources nécessaires à l’existence telle qu’il la comprend. Si ces ressources s’épuisent avant le retour de la saison d’automne, si la poudre ou le gibier lui manque, il fait comme les premiers Pélasges, ses ancêtres : il se nourrit de glands et de maïs. Ce détail donne la mesure du degré de barbarie où ces hommes sont plongés. Ils vivent au fond des bois, dans un isolement farouche, éloignés les uns des autres ; leurs chétives kalyves ou chaumières sont disséminées dans les épais fourrés, ou sur des escarpemens dont ils connaissent seuls l’invisible abord ; leur unique point de ralliement est le pyrgos du capitaine, redoutable personnage qui exerce sur eux une autorité sans partage, et dont la voix est d’autant plus sûrement écoutée qu’elle ne s’élève guère que pour donner aux membres épars de la tribu le signal de la guerre ou du brigandage. Hors de là, les guerriers de l’Acarnanie, comme ceux du pays de Maïna, occupent leurs loisirs à vider de sanglantes querelles de famille à famille, de village à village ; mais ces guerres intestines n’ont pas eu le même retentissement que celles du Magne, parce qu’elles se poursuivent dans l’ombre et le silence des forêts. Un trait distingue essentiellement les klephtes acarnaniens des Maïnotes, c’est l’amour de la poésie. Les Acarnaniens sont tous improvisateurs, ils ont chanté et chantent encore avec enthousiasme les exploits des héros qu’ils ont fournis aux annales de l’indépendance ; quelques-uns de leurs chants sont ce que la poésie populaire de la Grèce possède de plus dramatique et de plus énergiquement accentué. Cet instinct poétique, qui survit en eux à la plupart des autres instincts de l’homme civilisé, n’est-il pas un gage de retour à un état meilleur, et ne semble-t-il pas promettre que leur intelligence, susceptible, comme la terre féconde qu’ils habitent, d’une fructueuse culture, reprendra son essor aussitôt qu’on essaiera de lui donner une éducation salutaire ? Une sorte de progrès s’est manifestée déjà parmi ces populations. Depuis que les événemens de 1854 ont définitivement écarté des frontières grecques toute chance de guerre, les tribus de l’Acarnanie et de l’Etoile commencent à comprendre que le moment est venu de mettre bas les armes ; quelques terres ont été défrichées et plantées de vignes ; quelques champs, labourés et semés de blé ; les résultats obtenus par ces premiers essais de culture prouvent combien ce climat et ce sol sont prêts à favoriser les entreprises et à rémunérer généreusement les travaux des hommes.

Le Xéroméros se distingue surtout du Valtos par l’étendue des horizons. De hautes montagnes, non moins imposantes que celles du Valtos, occupent le centre du pays. Au pied de ces massifs rocheux s’étendent deux vastes plaines entrecoupées de collines peu élevées ; l’une se déploie autour de Vonitza et borde cette partie