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ner à la Grèce la preuve la plus effective de sa sympathie en lui abandonnant pendant un certain nombre d’années les annuités de l’emprunt de 60 millions contracté en 1832 et solidairement garanti par les trois cours protectrices, à la condition expresse que. les fonds provenant de cette concession seraient exclusivement affectés à des travaux d’utilité publique, à des encouragemens donnés à l’industrie et à l’agriculture. Par malheur, ce bon vouloir, également partagé à Londres et à Saint-Pétersbourg, échoua devant l’inertie du gouvernement grec et le peu de confiance qu’on pouvait avoir dans le bon emploi de ces fonds. Une commission instituée par les trois puissances pour étudier l’état des finances helléniques constata que, si la Grèce était insolvable et son trésor obéré, il fallait s’en prendre uniquement aux vices de l’administration, « attendu, dit le rapport présenté par cette commission, qu’à mesure que les ressources du trésor s’accroissent, les dépenses prennent un essor proportionnel, sans que l’on puisse trouver dans la situation du pays, soit en travaux d’utilité publique, soit en encouragemens donnés à l’industrie, ou par toute autre initiative venant de l’état, une compensation suffisante aux sacrifices faits annuellement par les puissances protectrices[1]. »

Et cependant la France avait depuis longtemps tracé au gouvernement grec la seule ligne de conduite qu’il eût à suivre. Nous la trouvons indiquée sous la forme la plus éloquente et la plus persuasive dans les instructions données par M. Guizot à M. Piscatory, ministre de France à Athènes ; nous ne croyons point inutile d’en citer ici les passages les plus saillans, car ces instructions s’imposent encore d’elles-mêmes à la méditation des hommes d’état de la Grèce. « La France n’a qu’une seule chose à demander à la Grèce, écrivait M. Guizot, en retour de tout ce qu’elle a fait pour elle. Qu’elle sache développer les ressources infinies renfermées dans son sein ; que, par une administration habile, prudente, active, elle s’élève peu à peu, sans secousse, sans encourir de dangereux hasards, au degré de prospérité et de force nécessaire pour occuper dans le monde la place à laquelle la destine le mouvement naturel de la politique, nous serons pleinement satisfaits… Vous ne sauriez trop le répéter, il faut que la Grèce ait enfin une administration active et efficace ; il faut qu’elle mette de l’ordre dans son système financier, qu’elle exploite ses ressources trop longtemps négligées… Il faut que le gouvernement, comprenant mieux ses intérêts et ceux du pays, cherche la force et la puissance dans le développement de la prospérité publique, au lieu de s’abandonner, comme il y a

  1. « General report of the commission appointed at Athens to examine into the financial condition of Greece, presented to the house of lords by command of her ma-jesty, 1860. »