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Un pape vraiment religieux ne pouvait s’abandonner à cette extrémité. Pie IX sent que les intérêts de la religion lui commandent d’oublier les prétentions des anciens princes, les siennes même, et d’entrer en arrangement avec le souverain effectif de l’Italie, afin de pourvoir au maintien et au recrutement de la hiérarchie catholique. L’arrangement qu’il s’agit de conclure est entouré de difficultés, nous n’en doutons point, aussi bien pour le roi d’Italie que pour le pape ; mais des deux, côtés les intérêts qui leur conseillent la conciliation sont d’un ordre si élevé, que des deux parts, nous l’espérons, toutes les concessions nécessaires seront accordées avec sincérité. Quoi qu’il en soit du détail d’une négociation qui demeure encore inconnue au public, le grand fait, c’est que le roi d’Italie, le vivant symbole de l’unité italienne, et le souverain pontife traitent ensemble, le roi avec respect et déférence, le pape avec une bonté paternelle et cette joie intime que donne au cœur le sentiment de l’accomplissement d’un devoir. Il y a dans ce spectacle un soulagement pour les consciences, un gage rassurant pour les esprits qui attendaient avec crainte l’échéance critique de la convention de septembre, et pour la reconstitution de la nation italienne une promesse positive d’affermissement.

Il est un grand pays dont on parle peu depuis quelque temps et aux progrès duquel on s’intéresserait volontiers, si son gouvernement obéissait enfin aux inspirations d’une générosité hardie : c’est l’Autriche. Est-on en Autriche à la veille d’un de ces élans qui rajeunissent et fortifient les gouvernemens et leurs peuples ? Nous le souhaitons et nous l’espérons. En Autriche aujourd’hui, la question hongroise occupe seule les esprits. Il ne s’agirait plus d’un de ces accommodemens compliqués de clauses chicanières qui ont si souvent avorté, mais d’une réconciliation définitive. C’est la Hongrie qui a vraiment fait appel à l’empereur. Le congrès agricole de Hongrie eut récemment l’idée d’envoyer à Vienne une députation qui devait inviter le souverain à venir examiner sur place la situation du pays. Ce congrès agricole n’est point une réunion de magnats indifférens, c’est comme une représentation spontanée des forces et des intérêts de la Hongrie. L’empereur, en acceptant cette invitation et en promettant de se rendre à Pesth à l’occasion des courses, a éveillé parmi les Hongrois de grandes espérances qui ne seront point contrariées, il faut l’espérer, par une de ces fâcheuses influences ministérielles dont les services ont été depuis quatre ans si stériles pour la maison d’Autriche. L’empereur a annoncé qu’il recevrait à Ofen une députation de l’académie, et il paraît certain que M. Deak, le grand patriote hongrois, en fera partie. On assure que toutes les commissions militaires qui fonctionnent encore en Hongrie, et dont il y a peu de mois la publicité européenne enregistrait les déplorables rigueurs, vont être révoquées. Une sorte d’entretien amical va donc s’engager entre l’empereur et des hommes qui sont la représentation morale, sinon légale, de la Hongrie. Il y a là une noble occasion de s’entendre,