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nion, exprimée par nous depuis longtemps, qui soutient que l’Italie et la papauté sauront s’entendre et résoudre les doutes de la question romaine, lorsque cette question ne sera plus compliquée par une intervention étrangère, commence à être confirmée par des faits que tout le monde accueille avec autant de satisfaction que de curiosité. Cette opinion a conquis un adhérent qui a eu hâte de lever le boisseau dès qu’il a aperçu la lumière. Nous voulons parler de M. de Persigny. L’ancien ministre a mis à profit son trip récent en Italie. Il est revenu émerveillé de ses découvertes et a tenu à faire part de sa joie à M. le président Troplong et au public. Nous ne savons point si les membres du conseil privé ont le droit de prendre, sans infraction à la discipline gouvernementale, sous forme de brochures, des initiatives d’appréciation qui seraient peut-être répréhensibles sous forme de discours ; nous n’hésitons point cependant à complimenter M. de Persigny de ses vues sur la solution de la question romaine, dût-il, pour les avoir exprimées, s’exposer à la grave censure de M. Boniface. Cependant le fait considérable en Italie est toujours la négociation ouverte entre le pape et le roi Victor-Emmanuel sur les affaires ecclésiastiques, négociation qui a été interrompue avant la clôture de la session, qui va être reprise dans quelques jours, et qui sera sans doute menée à bonne fin avant la réunion du parlement. Ces premiers pourparlers, cette reprise des relations entre le pape et le roi d’Italie sont un événement dont il est impossible de méconnaître l’importance. En dépit des fautes politiques qu’il a pu commettre et qui ont eu leur cause soit dans sa situation, soit dans la marche violente des événemens de son règne, Pie IX a conservé dans la sympathie générale de ses contemporains une place qui n’est jamais aussi volontiers accordée qu’aux hommes de bonne Intention. Avec la droiture de sa conscience, il est impossible que le pape ne fasse point passer ses devoirs de chef spirituel avant ses prétentions et ses griefs de souverain temporel. Veiller à l’intérêt des consciences qui lui sont confiées est son premier, son plus prochain devoir, et il est trop honnête homme pour laisser en souffrance les intérêts spirituels de son église sous le vain prétexte de la conservation de ses intérêts temporels. Pie IX est évidemment à la veille d’imiter envers l’Italie la conduite que le pape Léon XII tint envers les républiques espagnoles de l’Amérique du sud. Ces républiques n’étaient point reconnues par leur ancienne métropole, qui avait jusque-là nommé leurs évêques ; elles ne reconnaissaient plus au gouvernement espagnol le droit de leur envoyer des évêques, et les sièges demeuraient vacans. Malgré ses principes légitimistes, Léon XII n’hésita point ; il pourvut aux évêchés de l’Amérique méridionale sans avoir égard aux prétentions du roi d’Espagne. Un cas semblable se présente en Italie ; les anciens souverains de la péninsule sont dépossédés : faudra-t-il, en l’honneur des dynasties et des pouvoirs déchus, laisser les diocèses sans pasteurs et voir impassiblement s’éteindre en quelque sorte l’épiscopat autour de Rome ?