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M. Jefferson Davis, après avoir assisté à la ruine totale de sa cause, a subi l’humiliation la plus cruelle qui pût l’atteindre : il est tombé au pouvoir du gouvernement vainqueur. Le procès de M. Jefferson Davis fournira une page sévère, mais utile à l’histoire des États-Unis. Ce procès fera connaître les ressorts secrets de l’insurrection sécessioniste ; mais la plus grande instruction qui en sortira sera la fixation juridique du principe qui place l’autorité nationale au-dessus des doctrines outrées du fédéralisme et de cette revendication des state-rights, à l’aide de laquelle, depuis Jefferson, les esprits extrêmes voulaient faire sortir de la souveraineté des états le droit absolu de séparation. Cet élément de dissolution a été extirpé de la constitution américaine par la grande guerre qui vient de finir, il sera totalement détruit par le procès de M. Jefferson Davis. On doit vivement espérer que ce grand enseignement constitutionnel ne sera point terni par la cruauté des châtimens. Les États-Unis ne voudront pas rester en arrière de l’Europe libérale, où les mœurs repoussent l’application de la peine de mort aux crimes politiques. Ils ont considéré la sécession comme une rébellion, mais les nécessités de la guerre les ont obligés à appliquer aux séparatistes les règles du droit de la guerre et non les lois qui punissent la trahison de la patrie. M. Lincoln, M. Seward n’ont point hésité à négocier avec les envoyés de M. Jefferson Davis comme avec des belligérans. On n’envoie pas au supplice les hommes avec qui l’on a consenti à négocier. Puis, quoiqu’elle fût destructive de l’unité nationale, la doctrine des state-rights, poussée jusqu’au droit de séparation, n’est point l’invention de M. Jefferson Davis ; elle est née avant lui : il l’a trouvée dans l’atmosphère politique des États-Unis, où elle avait été mise en circulation depuis l’origine par des citoyens éminens. Le peuple américain reviendra, nous n’en doutons point, aux sentimens de généreuse clémence qui l’animaient avant l’assassinat de M. Lincoln. Il réfléchira que le sang des supplices n’est point le baptême d’une heureuse paix ; il comprendra que le chef de la rébellion du sud a déjà ressenti la peine la plus douloureuse que puisse éprouver un esprit et un cœur de cette trempe en survivant à l’impuissance de ses efforts et au désastre irréparable de sa cause.

Le parti libéral, qui n’a point l’habitude d’être du côté du succès, peut réclamer comme une victoire pour ses idées le triomphe de la cause américaine. Il a aussi le droit de se fier à ses espérances en voyant le tour heureux que les choses prennent en Italie. La translation de la capitale à Florence est accomplie. Ce grand déménagement du gouvernement a coïncidé à Florence avec le jubilé de Dante, magnifiquement célébré. Il n’est plus guère resté à Turin, retardataire de quelques jours, que l’habile et prévoyant ministre des finances, M. Sella, lequel, parle succès de son emprunt et de ses autres opérations, a mis l’Italie en état d’attendre avec des ressources suffisantes l’échéance de la convention du 15 septembre. L’opi-