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sistance des juaristes ne reçoive une impulsion naturelle des événemens qui viennent de s’accomplir en Amérique, et ne puise dans des ressources irrégulières venues du dehors de nouveaux élémens de durée. La perspective qui s’ouvrirait à la France, si nous restions dans les erremens des dernières années, serait donc de continuer des efforts et des sacrifices qui ont grandement dépassé depuis longtemps l’importance du but que nous voulions atteindre ; en supposant même le succès final obtenu, au bout d’un espace de temps qu’il faut calculer par des années dont personne n’oserait fixer d’avance le nombre, à quoi serait-on arrivé ? À fonder un établissement précaire, qui serait toujours mal vu des États-Unis, qui ne nous rendrait jamais une compensation suffisante des hommes et de l’argent que nous y aurions engloutis.

Les sages politiques doivent se conformer au tour des événemens. Il semble donc que les changemens qui viennent de s’opérer dans l’Amérique du Nord doivent être pris en considération par notre gouvernement ; c’est le moment pour lui de réviser et de modifier au besoin sa politique mexicaine. Il faudrait retirer soigneusement à cette politique tout ce qui pourrait en faire sortir plus tard des causes d’antagonisme entre la France et les États-Unis. Il faudrait la remanier de telle sorte qu’elle pût admettre le concert de la France et de l’Union américaine. Un principe commun, la nécessité d’organiser au Mexique un gouvernement qui fût vraiment responsable des actes de sa police intérieure et garantît la sécurité des relations commerciales, pourrait devenir la base du concert et le point de départ d’arrangemens qui, en se prêtant aux circonstances, aideraient à dégager l’action de la France. Il importe de prendre son parti promptement dans cette révision de la politique française au Mexique. Si l’on hésite, si l’on perd du temps, si l’on s’abandonne à la surprise des incidens, si l’on ne rassure pas les esprits en leur montrant une voie raisonnablement et nettement tracée, l’affaire du Mexique nous condamnera à une sorte de fièvre intermittente dont les accès seront marqués par les arrivages des paquebots transatlantiques.

Les événemens américains nous ont envoyé, il faut l’espérer, avec la nouvelle de la capture de M. Jefferson Davis, la dernière péripétie émouvante qu’ils puissent produire. Le président des confédérés, l’esprit orgueilleux et intolérant qui n’a pas voulu supporter l’effet légal du mouvement des institutions américaines la première fois que ce mouvement retirait le pouvoir des mains de son parti, le conservateur outré qui, sur la simple menace d’un échec pour l’intérêt aristocratique qu’il représentait, n’a point hésité à tenter la destruction de la glorieuse république au gouvernement de laquelle il avait pris une si grande part, l’homme impérieux qui a été l’âme de la rébellion, le puissant organisateur qui a rassemblé miraculeusement les ressources qui ont permis à son pays de prolonger avec des chances parfois si brillantes une lutte impossible,