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lonie africaine. De ce côté, nous ne devons avoir que de riantes espérances ; mais il y a dans nos affaires un point difficile qui a récemment réveillé toutes les inquiétudes de l’opinion : nous voulons parler de la situation et de l’avenir de notre entreprise mexicaine.

Nous sommes, pour notre part, assez peu émus des faits qui ont excité les dernières alarmes. Nous ne voyons point que notre situation au Mexique puisse être mise en péril, ni bientôt ni jamais, par les plans d’émigration volontaire que des spéculateurs politiques ou mercantiles s’aviseront d’exposer et de propager parmi les populations des États-Unis. Ce n’est point dans ces échauffourées, dont l’avortement est inévitable, que réside la véritable difficulté de la question mexicaine. Nous avons déploré et blâmé l’expédition du Mexique ; cependant, puisque la France est malheureusement engagée dans cette entreprise, notre devoir n’est pas seulement de faire des vœux pour que nous en sortions aussi honorablement que possible : nous devons rechercher et discuter la politique qui peut nous en dégager avec le plus de sûreté.

Tout adversaires que nous avons été de l’expédition du Mexique, nous ne méconnaissons point ce qu’il y avait de légitime dans le sentiment qui a conduit le gouvernement à tenter cette expédition. La cause permanente des griefs que la France avait contre le Mexique était celle-ci : il n’y avait pas au Mexique, depuis bien des années, un gouvernement dont on pût mettre la responsabilité à l’épreuve pour obtenir la réparation des criantes injustices subies par nos nationaux. À nos réclamations incessantes, les gouvernemens mexicains opposaient une fin de non-recevoir invincible, leur radicale impuissance. Il n’y a qu’avec les gouvernemens qui sont en état de ; répondre des injustices commises par leurs sujets envers les étrangers que l’on peut avoir ces rapports internationaux que comporte la civilisation. Le vœu de la France, le vœu de tous les états civilisés du monde est qu’il existe au Mexique un gouvernement qui puisse répondre des infractions commises par ses sujets dans leurs rapports avec les étrangers contre la justice et le droit des gens.

Le gouvernement français a fait plus que ressentir ce besoin et exprimer ce vœu. Ne trouvant pas au Mexique de gouvernement capable de remplir les devoirs de la responsabilité internationale, il a pris la tache de créer dans ce pays de ses propres mains un gouvernement qui fût en mesure de les remplir. En tout temps et partout, une telle œuvre est des plus difficiles : elle dépasse la mesure des devoirs d’un état pour la protection de ses nationaux établis à l’étranger. Il n’est pas dans le droit naturel des citoyens qui vont s’établir, pour y chercher fortuné, dans une contrée barbare ou livrée à l’anarchie, de compter que les escadres et les armées de leur pays seront obligées de venir à leur profit rétablir l’ordre dans cette contrée et y fonder au besoin un gouvernement régulier. La bonne politique pratiquée par les états civilisés dans les questions de cette na-