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pline de famille. L’empereur a prononcé que la présence, la conduite et les discours de son cousin n’ont point répondu à ses espérances, et n’ont pas témoigné de l’union qui doit régner dans la famille impériale ; il a déclaré que le programme politique placé par le prince sous l’égide de Napoléon Ier ne peut servir qu’aux ennemis de son gouvernement. Le jugement est sévère, mais il est sans appel. La publicité ne peut que l’enregistrer.

Nous sommes d’autant plus d’accord avec l’empereur sur le principe de l’unité d’action et de volonté du gouvernement que ce principe n’est le privilège d’aucune forme politique particulière, et qu’il est d’une application aussi nécessaire sous un régime parlementaire ou républicain que sous un régime absolu. La discipline de famille nous parait également être une règle ou plutôt une convenance naturelle incontestable. À ce sujet, nous exprimerons un étonnement, sinon un regret, c’est qu’il ne suffise point à cette discipline d’être préventive, et qu’elle ait besoin, comme on l’a vu en cette dernière occasion, de devenir en quelque sorte répressive. Tranchons le mot : nous sommes surpris que le langage que le prince Napoléon Jérôme devait tenir à l’inauguration du monument d’Ajaccio n’ait point été l’objet d’une entente préalable entre le prince et l’empereur, entre le prince et le gouvernement. La bonne discipline, celle qui évite les éclats pénibles, est prévoyante et prend ses précautions. Ici, nous pouvons le dire sans manquer de respect à personne, pas plus au prince qu’au gouvernement, la précaution était indiquée par la plus simple prudence La circonstance était grande, importante, et touchait aux plus hauts intérêts moraux du gouvernement, puisqu’il s’agissait de célébrer la merveilleuse mémoire du fondateur de la dynastie napoléonienne et celle de ses frères ; l’orateur était connu avec les qualités et les inconvéniens de sa saillante originalité : c’était le prince Napoléon. Enfin le prince avait écrit sa harangue d’avance, cela est évident à la contexture du discours, qui n’a rien d’une improvisation soudaine, dans lequel on ne saurait voir que la dictée impétueuse d’un homme nerveux empêtré dans un travail de citations qu’il brouille et débrouille et chiffonne par poignées. Nous le répétons, la cérémonie était imposante ; aux yeux du gouvernement surtout, elle devait prendre un caractère singulier de poésie politique. Les quatre fils de Charles Bonaparte et de Mme Lætitia, — ces pauvres cadets sortis de la petite Corse à peine conquise par les Français, — mêlés par le génie d’un prodigieux capitaine à l’empire du monde, après avoir pris, perdu et repris le gouvernement de la France, allaient se dresser en marbres historiques aux lieux mêmes qui rappellent la modestie de leurs commencemens ; toute l’histoire de cette fortune sans égale et du génie de son fondateur jaillissait éblouissante, sous le ciel bleu et dans l’amphithéâtre des montagnes de Corse, de ce rapprochement des origines et des destinées. Ces statues ne parlaient-elles point ? ne racontaient-elles point un passé de