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tiers de la peine, mais à la moitié, ramenant ainsi, dit-il, l’influence de la prime rémunératoire à sa plus haute puissance régénératrice ; mais alors pourquoi s’arrêter en si beau chemin, et ne pas porter plus loin encore cette puissance si bienfaisante, en étendant la réduction de la durée de la peine de la moitié aux deux tiers d’abord, puis, s’il le fallait, des deux tiers aux trois quarts, etc. ? Il est très certain que l’attrait de la prime produirait ainsi des effets que chacun peut sans doute caractériser comme il l’entend, mais dans tous les cas tellement décisifs, qu’à part les détenus frappés d’un incurable idiotisme, on les verrait tous entrer dans cette voie fort aplanie d’une bonne conduite disciplinaire. Et alors quel spectacle édifiant que celui des maisons de détention ! quel ordre parfait, quel respect scrupuleux pour la règle ! Quant à l’amendement moral des condamnés, il n’y aurait pas trop à s’en inquiéter, puisqu’il est admis qu’on en trouve le signe irrécusable dans leur bonne conduite au sein des maisons de détention. C’est donc toujours, je le répète encore, le même point de départ, le même parallogisme, et toujours aussi, comme point central où viennent aboutir tous les efforts et toutes les visées, l’invariable et décevante chimère de l’amendement des condamnés.

Avant d’en finir sur ce point, et puisque j’ai relevé incidemment ce que l’on allègue de la pratique plus heureuse en Irlande du système de la liberté préparatoire, j’en dois dire quelques mots. Il peut être vrai en effet, dans une certaine mesure, que ce système ait eu jusqu’ici une meilleure fortune en Irlande qu’en Angleterre, et je crois qu’on en peut donner quelques raisons ; mais faut-il donc pour cela le glorifier ? Gardons-nous-en bien. En Irlande comme ailleurs, sauf quelques accidens plus favorables de localité, de tempérament et peut-être de religion, le système ne change pas de caractère et de nature ; au fond, il reste ce qu’il est. On peut cependant faire remarquer que dans ce pays le système débute par dix mois de cellule tellement absolue que l’isolement n’y est pas même tempéré par le travail, tandis que d’un autre côté on y répand avec une intarissable abondance le bienfait de l’instruction religieuse la plus sympathique. Tout est donc parfait jusque-là et se rapproche tellement des conditions les plus vitales de la discipline cellulaire, que l’on peut aisément en conclure que c’est par là même sans doute que l’on est parvenu à recueillir ou du moins à préparer quelques-uns des bons effets de cette discipline ; c’est déjà quelque chose, si bien qu’en apercevant à travers ces premières lueurs une fugitive étincelle de vérité, on ne peut se défendre d’une secrète joie.

Malheureusement après cette première tentative ou ce premier