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sence de la détention en commun, et il serait peu sage, ce semble, après tant de mécomptes et de déceptions, de vouloir demander encore à ce régime une force d’intimidation, une puissance répressive qui lui manquent ou à peu près.

Que faire donc, et comment sortir de cette situation difficile ? Chose inouïe, — et vraiment j’éprouve à le dire une certaine confusion, — la commission revient pleinement à ce régime de la déportation, discrédité depuis plus de quarante ans, et qui hier encore semblait condamné sans retour ; elle y revient à ce point que, tandis que depuis 1853 la déportation n’était restrictivement applicable qu’aux condamnés à quatorze ans et plus, elle l’autorise derechef pour tous les condamnés, quelle que soit la durée de la peine. On doit cependant ajouter qu’elle paraît tenir beaucoup à ce que les colonies pénales soient rejetées à l’avenir dans l’Australie occidentale ; serait-ce donc que tous les autres points leur sont fermés, ou ne serait-ce pas plutôt que désormais le degré de latitude deviendrait en cette matière la règle et la mesure d’une plus grande ou d’une moindre efficacité ? Triste spectacle assurément, et que l’on aurait, sans aucun doute, épargné à l’Angleterre, si le moindre indice avait permis de supposer que l’expédient nouveau de la liberté préparatoire était appelé à exercer une influence quelconque sur le mouvement de la criminalité et des récidives. Le seul fait dit retour à la transportation dit donc et très hautement que la commission n’a rien vu de ce côté, ni même rien entrevu de sérieux et d’efficace : il importe fort peu, après cela, qu’elle essaie de soutenir le contraire, et que même, dans un moment d’oubli ou d’entraînement, elle ose affirmer que les tickets of leave doivent être considérés comme une chose sage et excellente en soi[1].

Lord Grey avait en somme bien raison de dire, il y a déjà longtemps, que le ticket of leave ne prouve point la réforme, et que celui qui l’a reçu n’est pas moins sujet à faillir que tout autre condamné libéré. Et avec combien plus de raison encore, puisque les faits

  1. Cela importe d’autant moins qu’au moment même où la commission parlait ainsi, elle était obligée de reconnaître que depuis douze ans que le régime de la liberté préparatoire est pratiqué en Angleterre, les choses en sont venues à ce point que toutes les conditions d’ordre et de sécurité y ont reçu, plus qu’en aucun autre pays du monde, les plus rudes atteintes. Il n’est personne en effet en Angleterre qui ne sache, ne dise ou n’écrive que l’on y est aujourd’hui en présence d’une véritable armée de malfaiteurs (130,000 convicts) exercée, organisée, pleine de résolution. Il n’est personne non plus qui ne se demande avec une morne anxiété si longtemps encore, comme on l’a vu il y a quelques mois à peine, les habitans honnêtes de Londres seront obligés de s’armer pour défendre leur vie contre ces terribles garrotteurs presque toujours recrutés, soit dit en passant, parmi ces excellens prisonniers libérés avant l’heure sur la foi ou la présomption de leur amendement.