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vrai que ces natures hideuses n’ont d’autre ambition que celle de l’or, d’autre rêve que celui des jouissances qu’il procure, rêve sombre, ardent, inexorable. Aussi est-ce dans un tel milieu que l’on peut voir et que l’on ne voit que trop en effet à quel point la trop longue attente des héritages pèse quelquefois, et bien lourdement, sur des désirs toujours frémissans, et à quel point aussi d’autres passions irritées par l’obstacle peuvent s’exalter jusqu’aux plus sinistres égaremens. Et voilà sans doute comment, sous l’impulsion d’une première idée, repoussée d’abord avec une certaine horreur, mais bientôt plus familière, plus tard enfin tyrannique, on en vient à mesurer d’un œil sec l’abîme ouvert entre une convoitise ardente et les expédiens les plus épouvantables, si bien que tout finit par se réduire à une question de prudence. Or, sur cette pente et à ce point de vue, l’obstacle pourra souvent paraître bien léger, tandis que d’un autre côté on s’enivrera de cette affreuse confiance, trop fréquemment justifiée, que de tous les crimes l’empoisonnement est celui qui offre après tout les plus grandes chances d’impunité. Tout tend ainsi, au gré des passions les plus diverses, à un tel paroxysme de cupidité fébrile ou de fureur jalouse, que, pour contenir désormais ces passions et y faire obstacle, il n’y a vraiment plus qu’un seul contre-poids, la terreur de la peine de mort. Ceci doit être de la dernière évidence.

On le voit donc, de quelque côté que l’on porte ses regards, la peine de mort est une triste, mais impérieuse nécessité. Comment se fait-il cependant que des hommes considérables protestent encore aujourd’hui contre cette nécessité, et que parmi eux l’on doive citer lord John Russell ? On s’en étonnerait beaucoup moins sans doute, si, s’éloignant en ceci des sentiers battus qui vont mal à sa forte nature, il ne faisait que céder au désir généreux, mais bien décevant, de rendre hommage à ce grand principe de l’inviolabilité de la vie humaine, devant lequel l’intérêt social lui-même doit, dit-on, fléchir ; mais rien de pareil, et en réalité tel n’est pas son sentiment. Pour lui, on en a déjà fait la remarque, la peine de mort est légitime, si elle est nécessaire. Serait-ce donc la toute-puissance de l’un de ces grands mouvemens d’opinion auxquels les esprits les plus fermes ne parviennent pas toujours à résister ? Pas davantage ; le noble lord n’est pas de ceux qui règlent leurs actes et leurs opinions sur de telles impulsions. Puis il ne faudrait pas croire non plus que le mouvement soit si général, même en Angleterre, que la peine de mort n’y compte désormais que de rares et faibles défenseurs. A Dieu ne plaise, et le contraire est heureusement vrai : on a bien pu le voir à la séance de la chambre des communes du 3 mai 1864, où sir George Grey, secrétaire d’état de l’intérieur, fort peu