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un examen à part que les deux méditations sur la révélation et sur l’inspiration des livres saints : Il y a là des idées d’une rare sagesse, des distinctions qui font la juste part à l’ignorance humaine sans que le vrai caractère d’inspiration qui brille dans les saints livres puisse en souffrir la moindre atteinte. Mais le principal honneur de cette œuvre, ce qui lui donne à la fois sa plus franche couleur et son parfum le plus prononcé. Ce sont les deux dernières méditations, Dieu selon la Bible, Jésus-Christ selon l’Evangile.

Ces deux tableaux sont de style différent comme les deux sujets le commandent. Rien de plus hardi, de plus abrupt, de plus vraiment biblique que le portrait du Dieu des Hébreux, de ce Dieu qui « n’a point de biographie » point d’aventures personnelles, » à qui rien n’arrive, chez qui rien ne change, toujours et invariablement le même, immuable au sein de la diversité et du mouvement universel. « Je suis celui qui suis. » Il n’a pas autre chose à vous dire de lui-même, c’est sa définition, son histoire ; nul n’en peut savoir rien de plus, comme aussi nul ne le peut voir, et malheur s’il était visible ! Son regard donnerait la mort. Entre l’homme et lui quel abîme !

Aussi la distance est grande pour passer d’un tel Dieu au Dieu selon l’Évangile, de Jéhovah à Jésus-Christ. Quelle nouveauté, quelle métamorphose ! Le Dieu solitaire sort de son unité ; il se complète tout en restant lui-même ; le Dieu courroucé dépose sa colère, il s’émeut, s’attendrit, s’humanise ; il rend à l’homme son amour, il l’aime assez pour se charger lui-même de racheter sa faute dans le sang de son fils, c’est-à-dire dans son propre sang. C’est la victime, ce fils obéissant jusqu’à la mort, qu’il s’agit de nous peindre. Portrait sublime, essayé bien des fois ; et toujours vainement. Dirons-nous que M. Guizot a touché ce but impossible ? Non, mais il a pour l’atteindre essayé de moyens heureux. Il nous fait successivement passer devant son divin modèle, en lui prêtait, s’il est permis d’ainsi parler, les poses qui laissent le mieux voir les plus touchans aspects de cette incomparable figure. Il le met en présence tantôt de ses seuls disciples, de son troupeau d’élite et d’affection, tantôt de la foule assemblée au pied de la montagne, au bord du lac ou dans le temple, tantôt de femmes pécheresses ou de chastes matrones, tantôt de simples enfans. Dans chacun de ces cadres, il recueille, il rassemble, il anime, en les réunissant, les traits épars de Jésus-Christ. Son talent sobre et contenu, puissant par la raison, éclatant dans la lutte, semble, au contact de tant de sympathie et d’une charité si tendre, s’enrichir de cordes nouvelles, et ce n’est pas seulement d’une éloquence émue, c’est d’un genre d’émotion plus douce et plus pénétrante que vous ressentez l’influence en achevant ces pages profondément chrétiennes.