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d’Athènes, la parole de Socrate lui-même ne pouvait ni relever une âme, ni briser une chaîne, ni faire germer une vertu. Et que disons-nous sa parole ! sa mort même, une admirable mort, la mort d’un juste, reste inféconde et ignorée !

L’heure devenait critique : la société païenne entrait dans sa dernière phase et tentait son dernier effort ; l’empire venait de naître, et, bien qu’il dût offrir au monde, dans sa longue carrière, à côté de spectacles hideux, bien des jours de repos et même de grandeur, on peut dire sans exagération, sans parti-pris, que dès le règne de Tibère l’expérience était faite : tous les moyens humains de racheter l’espèce humaine étaient visiblement à bout. C’est alors que, non loin des lieux où les traditions primitives plaçaient la création de l’homme, sous ce ciel d’Orient témoin du premier miracle allait s’accomplir le second. Une voix douce, humble, modeste et souveraine en même temps fait entendre aux peuples de Judée des paroles inconnues jusque-là, des paroles de paix, d’amour, de sacrifice, de miséricordieux pardon. Cette voix, d’où vient-elle ? Quel est cet homme qui dit aux malheureux : « Venez à moi, je vous soulagerai, je porterai avec vous vos fardeaux ? » Il touche de sa main les malades, et les malades sont guéris. Il rend la parole aux muets, il fait voir les aveugles et entendre les sourds. Ce n’est rien encore que cela. Cet homme sait à fond l’énigme de ce monde ; lisait le vrai but de la vie et le vrai moyen de l’atteindre. Tous ces problèmes naturels, désespoir de la raison humaine, il les résout, il les explique sans effort et sans hésitation. Ce qu’il dit du monde invisible, il ne l’a pas seulement conçu, ses yeux l’ont vu, il le raconte comme un témoin fraîchement arrivé. Aussi ce qu’il en dit est simple, intelligible à tous, aux femmes, aux enfans aussi bien qu’aux docteurs. D’où lui vient ce prodigieux savoir ? De quels maîtres, de quelles leçons ? Dès sa plus tendre enfance, avant les leçons et les maîtres, il en savait déjà plus que la synagogue. Des études, il n’en a jamais fait. Il a travaillé de ses mains, gagnant son pain au jour le jour. Ainsi ne cherchez pas sur terre, son maître évidemment est au plus haut des deux.

N’est-ce pas là ce témoin dont nous avons parlé plus haut, ce témoin surhumain, ce témoin nécessaire à toute solution des problèmes naturels et à l’établissement de vrais dogmes religieux ? Dire qu’un tel homme est plus qu’un homme, qu’il est un être à part, supérieur à l’humanité, ce n’est pas assez dire : il faut voir ce qu’il est. Ouvrez donc ces récits, ces narrations candides qui vous gardent le souvenir de sa mission publique, de sa prédication à travers la Judée ; ouvrez ces Évangiles où sont inscrits dans le moindre détail ses actes, ses paroles, ses travaux, ses souffrances et son agonie sans pareille ; voyez ce qu’il y dit de lui-même : se donne-t-il seu-