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et de tous ces cultes informes et bizarres, parfois impurs et monstrueux, il n’en est pas un seul qui donne à l’homme la solution complète et sérieuse des problèmes moraux dont il est poursuivi. Ces prétendues réponses ne répondent à rien, et ne sont qu’un amas d’erreurs et de contradictions.

Est-ce donc à de telles fins que l’homme a été créé ? En le fabriquant de ses mains, en lui enseignant lui-même dans un commerce intime l’usage de ses facultés, le Créateur ne l’a-t-il pas formé à voir, aimer, servir la vérité ? Oui, et de là ces lueurs instinctives dont reste dotée notre race ; mais en même temps que l’intelligence l’homme a recula liberté, cet autre don, ce don suprême qui l’assimile à son auteur et lui impose, avec l’honneur de la personnalité morale, le fardeau de la responsabilité. Mis à l’épreuve, l’homme a donc pu choisir, et il a mai choisi ; il a failli, il est tombé. Évidemment un trouble immense, un désaccord profond a dû suivre sa faute, et le père offensé a retiré sa grâce au fils désobéissant : ils se sont éloignés l’un de l’autre, le coupable parce qu’il a craint son juge, le juge par horreur du péché ; mais sous le juge reste le père. L’exil sera-t-il donc éternel ? Non, la promesse en est faite à ceux-là mêmes dont la faute est punie, et l’heure de la miséricorde est annoncée d’avance, des l’instant même du châtiment.

Tout n’est donc pas rompu entre le Créateur et cette race infidèle ; un lien va subsister, une poignée de dignes serviteurs va garder le bienfait de son paternel commerce. En doutez-vous ? Comment expliquer autrement, lorsque pendant plusieurs milliers d’années l’espèce humaine tout entière, en tous lieux et sous tous les climats, s’incline, se prosterne devant les forces de la nature, les déifie et les adore, comment expliquer, disons-nous, qu’un petit groupe d’hommes, un seul, reste fidèle à l’idée d’un seul Dieu ? — Question de race, dites-vous, question plus générale qu’on ne pense, sémitique et non pas hébraïque. — Prenez garde ; une philologie vraiment impartiale et incontestablement savante affirme aujourd’hui le contraire. La preuve en est donnée, c’est aux Juifs seulement qu’appartient le monothéisme, fait unique, isolé, que la raison ne défend pas de croire providentiel, puisqu’il est tout au moins extraordinaire et merveilleux. Ainsi, pendant que l’antique alliance entre l’homme et son créateur se perpétue sur un seul point du globe, point presque imperceptible dans l’immense famille humaine, pendant que la vérité divine, encore voilée et incomplète, mais sans mélange impur, se révèle comme en confidence et dans une sorte d’a parte à la modeste peuplade choisie pour les desseins de Dieu, tout le reste du monde, en matière religieuse, est livré au hasard et marche à l’abandon.

Pourquoi donc seulement en matière religieuse ? Parce que c’est