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permis à la production de prendre une marche ascendante, les connaissances pratiqués se développeront d’elles-mêmes. » Ce qui s’est passé depuis trois ans en Turquie pour la culture cotonnière est une preuve de cette vérité. Dès que les cours élevés ont, par suite de la guerre d’Amérique, présenté un sérieux bénéfice, cette culture, originaire de l’Orient, où elle était abandonnée, a été reprise avec vigueur. Stimulée par l’aiguillon du gain, la Turquie a largement concouru à l’approvisionnement de l’Europe. Le gouvernement a, dans cette circonstance, très bien compris son devoir. Les terrains appropriés à l’exploitation du coton jouissent pour cinq ans d’une exemption absolue de contribution foncière. Les machines destinées à cet usage sont admises à l’exportation en franchise des droits. Des quantités considérables de graines ont été distribuées gratuitement. Des publications indiquant le choix du terrain, la préparation du sol, le mode de récolte, ont été faites aux frais de l’état et répandues à profusion. Dans chaque chef-lieu de province, des commissions composées d’étrangers et d’indigènes ont étudié les mesures les plus efficaces pour favoriser la précieuse culture. Qu’en est-il résulté ? C’est que, d’après les chiffres donnés par M. Collas, la production cotonnière de l’empire, qui, en 1861, était environ de 9,500,000 kilogrammes, s’élevait, en 1863, à 50 millions de kilogrammes. Que la Turquie déploie la même activité dans les autres branches de l’agriculture, elle sera aussi promptement récompensée de ses efforts. L’exportation du blé, déjà considérable, atteindrait facilement des proportions immenses. Malgré des entraves de tout genre, l’échange des matières premières contre les objets manufacturés prend chaque jour une nouvelle importance. Que serait-ce, si les obstacles qui s’opposent au développement de la production ottomane venaient à disparaître, si l’interdiction de posséder des immeubles ne pesait plus sur les étrangers, si l’égalité des charges et des droits était assurée à tous les habitans sans distinction de race, si l’exportation devenait libre de province à province et de l’intérieur au dehors, si la Turquie, à peu près dépourvue en ce moment de moyens d’exploitation, de capital circulatif, de routes, de voies navigables, d’institutions de crédit, entrait résolument dans la voie du progrès économique et réalisait avec suite et avec énergie les innovations nécessaires !

Le développement de l’agriculture se lie d’une manière intime à celui des travaux publics. En ce moment, les voies de communication sont encore dans l’état le plus fâcheux. Des routes abandonnées et transformées en fondrières impraticables, des rivières barrées en tout sens par des bancs de sable, par des digues de troncs d’arbre, çà et là des fragmens de voies pavées qui au bout d’une lieue ou deux se cachent de nouveau dans les broussailles, tel est le triste aspect qui frappe les yeux du voyageur. Les grands centres de population ne peuvent communiquer avec les localités voisines que très difficilement. En hiver, la circulation est pour ainsi dire impossible. Que devient alors le commerce ? Supposons tout au contraire que les cours d’eau qui aujourd’hui, faute d’entretien, ne peuvent pas même porter de bateaux ordinaires soient sillonnés par de légers bateaux à vapeur mettant en communication l’intérieur du continent avec la mer, supposons que l’entrée des ports ne soit plus obstruée, que les habitans du pays réparent et entretiennent régulièrement les chemins vicinaux, que des routes im-