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pulaires, loin d’être méconnus ou négligés, sont de la part de la chambre des communes l’objet de la sollicitude la plus attentive et la plus prévenante. Il y a émulation en Angleterre entre les pouvoirs publics et les partis pour conduire le gouvernement à exercer son action dans l’intérêt de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. Voilà ce qu’a fait, voilà l’esprit qu’a propagé le régime parlementaire régénéré par la réforme de 1832. Il n’y a donc pas lieu d’élever des accusations pressantes et menaçantes contre un système électoral qui a produit de tels résultats ; mais d’une autre part les adversaires de l’extension du suffrage nous paraissent dépasser la mesure quand ils repoussent toute réforme comme exposant l’Angleterre au débordement de la démocratie et à la tyrannie des majorités numériques. Il n’est point indifférent et c’est au contraire un acte de prévoyance que d’initier graduellement, quand on le peut, le plus grand nombre de citoyens possible à l’exercice des droits politiques. La tyrannie du nombre n’est redoutable que lorsqu’elle déchaîne en effet sur la société des multitudes jusque-là tenues arbitrairement à l’écart et privées imprudemment de toute éducation politique. L’admission des masses au droit électoral ne change point le caractère politique d’une nation, si cette admission s’accomplit régulièrement, pacifiquement, et non après un ébranlement violent produit par des antagonismes de classes. La France a traversé une révolution en 1848, et en matière d’élections a subitement passé d’un étroit régime censitaire au suffrage universel. Le suffrage universel, exercé librement pendant la république, n’a pas donné, dans la représentation des partis et dans le choix des députés, des résultats bien différens de ceux que présentait l’ancien régime censitaire. L’exemple de l’Amérique est là aujourd’hui et nous prouve que le droit d’élection donné au peuple, lorsqu’il se concilie avec une liberté sincère, est la plus puissante force de discipline et de conservation que puissent avoir un gouvernement et un pays. Le suffrage étendu n’enlèverait rien en Angleterre de leur supériorité légitime aux influences sociales et intellectuelles. Nous reconnaissons donc, avec lord Elcho et avec M. Lowe, qu’une réforme électorale n’est point urgente en Angleterre ; mais nous croyons aussi que des esprits fermes et sensés ne doivent point s’offusquer de vaines craintes, fermer avec une défiance hargneuse l’accès de la constitution de leur pays à la masse des honnêtes travailleurs, et créer précisément l’antagonisme des classes sous le prétexte d’empêcher la prépondérance abusive de la classe la plus nombreuse. Nous croyons avec M. Forster que si une politique aussi exclusive et aussi systématique pouvait trop longtemps prévaloir en Angleterre, il serait dangereux de laisser pour unique perspective du complet développement politique aux classes ouvrières anglaises l’émigration aux États-Unis, dans ce pays dont un peuple de leur race et de leur langue fait la terre de promission de la liberté et de l’égalité.

La capitulation du général Johnstone peut être regardée comme mettant fin à la guerre civile des États-Unis. Ce qu’il restait encore de généraux à