Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/423

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les patriotes hollandais auraient pu dire, eux aussi, aux catholiques dont la fortune pouvait changer : « Pour notre liberté et pour la vôtre ! » C’était en définitive l’essence du mouvement flamand et hollandais.

C’est l’essence de la révolution des Pays-Bas au point de vue religieux, comme aussi c’était son caractère extérieur de contenir une question de liberté européenne, de créer un élément nouveau d’équilibre. Si l’Angleterre eût été prévoyante, elle aurait vu assurément dans les affaires de Hollande autre chose qu’une occasion de profiter de la ruine du commerce et de l’industrie des provinces. Si la France avait eu une politique, elle aurait vu dès lors l’intérêt qu’elle avait à ne pas laisser s’établir à sa frontière du nord une autre Espagne domptée et pliée aux desseins de domination de Philippe II. Si l’Allemagne à demi protestante avait vu clair, elle aurait considéré la liberté des Pays-Bas comme une garantie pour sa sûreté, et la politique religieuse de Philippe comme une menace. Mais l’Angleterre, malgré ses sympathies pour des protestans, n’était pas plus accessible à l’émotion alors qu’aujourd’hui, et elle avait assez de se tenir en garde contre les menées de Philippe. La France flottait, tantôt prêtant ses huguenots à Guillaume, tantôt donnant aux Hollandais le terrible encouragement de la Saint-Barthélémy ! L’Allemagne ne savait que faire. Il sortit de là une intervention diplomatique.

Dès le commencement, l’empereur Maximilien, pressé par les électeurs protestans, avait envoyé son frère l’archiduc Charles à Madrid avec la mission de demander qu’on substituât le système de la clémence à la politique en vigueur dans les Pays-Bas et qu’on rappelât des provinces les troupes étrangères. Et Philippe II fit une réponse qui ne laisse point d’être curieuse aujourd’hui. Il se fâcha très fort qu’on osât lui faire des remontrances sur des affaires qui ne regardaient que lui. Il s’étonna que les princes ne lui sussent pas gré d’une politique qui enseignait l’obéissance aux sujets. Il niait absolument le droit des Pays-Bas à une situation exceptionnelle, et puis enfin au lieu de rigueur il avait montré la magnanimité d’un roi clément et débonnaire ! Ce n’était pas précisément une satisfaction bien complète ; mais pendant ce temps la reine d’Espagne mourut, et Philippe promit d’épouser l’archiduchesse Anne, fille de l’empereur ; l’archiduc Charles de son côté eut un présent de cent mille ducats, et plus on n’entendit parler de l’intervention diplomatique ; — Au fait, il ne manquait pas de gens en Europe que ces troubles des Pays-Bas inquiétaient et fatiguaient et qui auraient dit volontiers à ces obstinés patriotes qu’ils feraient mieux de se soumettre, qu’ils avaient tort de soutenir une lutte inégale. C’étaient