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chacune d’elles des conditions de salubrité, de bonne viabilité, de sécurité dont elles étaient dépourvues, d’y créer les établissemens publics qui faisaient défaut, mais encore, et c’est là ce qu’il faut surtout mettre en lumière, de satisfaire à tous les intérêts nouveaux sans nuire aux anciens, de ne rien déplacer, en un mot de conserver en améliorant. Cette pensée, les dix années qui viennent de s’écouler ont été employées à la réaliser. Les premiers rapports présentés à la commission municipale par le dernier préfet du Rhône, M. Vaïsse, exposent avec une grande netteté de vues et une entière confiance dans le résultat un système de travaux publics dont la sagesse et l’ampleur méritent d’être louées. L’entrepôt que les siècles avaient créé entre le Rhône et la Saône, au confluent de ces deux grandes artères commerciales, était devenu insuffisant. Comment l’élargir ? Pouvait-on le déplacer et le reporter sur la rive gauche du Rhône par exemple, où l’espace ne ferait pas défaut ? Cette presqu’île, où étouffait la ville mère, comment y maintenir le centre des affaires alors que la population ne pouvait plus s’y mouvoir à l’aise ? Les transactions n’émigreraient-elles pas avec les habitans dans les faubourgs que des communications faciles allaient rapprocher ? Énergiquement secondé, par M. Bonnet, ingénieur des ponts et chaussées, chargé depuis le commencement des travaux du service municipal, M. Vaïsse déclara tout d’abord qu’il ne voulait pas constituer Lyon sur le modèle de Paris, mais bien sur celui de Londres, qu’il ferait de l’ancienne ville la cité, c’est-à-dire le centre des affaires, des magasins et des comptoirs. De larges voies parallèles au cours des fleuves lui donneraient l’air, le jour nécessaires, relieraient entre eux les grands foyers de la vie publique, l’hôtel de ville, la Bourse, les gares de chemins de fer ; on remplacerait ainsi l’ancien Lyon, obstrué, obscurci, labyrinthe de ruelles sans alignement et sans issue, par une ville percée de rues droites, larges et économes néanmoins d’un terrain précieux. Cette ville nouvelle, on la défendrait contre les inondations par des quais, monumens de luxe et d’utilité, que sillonneraient les transports du commerce, et où la population trouverait de longues et belles promenades. Au-delà des fleuves, dans les quartiers suburbains, on reporterait, comme à Londres, les habitations proprement dites, les résidences des riches et les demeures des ouvriers, plus loin enfin les grands parcs et les fabriques. Encore, pour chacun des faubourgs, le préfet se proposait-il de respecter, quand il y aurait lieu, le caractère traditionnel de la localité : il voulait par exemple, en ce qui concerne la rive droite de la Saône, conserver à ces parties du vieux Lyon du moyen âge leur physionomie particulière, laisser aux professions studieuses, aux industries modestes leurs retraites