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du prophète Michée, changé en église. Gaza, qu’ils connaissaient, ne les arrêta point, et leur passage par le désert des Amalécites ne fut troublé d’aucun incident fâcheux, quoiqu’ils côtoyassent la dangereuse frontière des Iduméens et des Coréens infestée par les Arabes. Le seul désagrément de leur route fut la fatigue causée par ces sables mobiles qui se dérobaient sous le pied des montures et où s’effaçait en un clin d’œil la trace des hommes. Cheminant au plus près possible de la mer, ils tournèrent le cap et les lacs de Casius, et se trouvèrent bientôt en face du fleuve Sior, près de son embouchure pélusiaque. C’est par ce nom de Sior, qui signifiait le bourbeux, le trouble, que les anciens Hébreux désignaient ou ce bras du Nil ou le Nil tout entier, et nos érudits voyageurs se gardèrent bien de lui en appliquer un autre par respect pour la science. Péluse, qui n’avait point de souvenirs bibliques, ne les retint pas ; ils coururent au contraire à Thanis chercher dans les roseaux du fleuve la trace du berceau de Moïse, et dans la terre de Gessen les pas des Israélites fugitifs. Chemin faisant, Jérôme observa que les cinq villes égyptiennes qu’il traversait parlaient la langue chananéenne. Il remarqua aussi que le Nil, à ses sept embouchures, était si faible qu’on pouvait presque le franchir à pied sec. « Comment, demandait-il aux Égyptiens, de si faibles eaux peuvent-elles être dirigées et utilisées pour la fertilisation d’un si grand pays, et comment les relations de ville à ville et les transports du commerce peuvent-ils avoir lieu sur un pareil fleuve ? » Il apprit alors qu’un peu plus haut le Nil coulait à pleins bords entre deux digues élevées le long de ses rives ; que ces digues avaient une hauteur déterminée, de telle façon que si le niveau des eaux ne dépassait pas les bords supérieurs, l’année restait stérile, et que si, par l’incurie des gardiens ou par la violence du courant, ces digues venaient à se rompre, l’inondation dévastait la terre au lieu de la féconder.

Il apprit encore que la navigation se pratiquait à la remonte au moyen d’un halage à dos d’homme, dont les manouvriers se relevaient de station en station, et qu’au nombre des stations on calculait la longueur du trajet. Il se fit renseigner sur la défense de l’empire romain du côté de l’Ethiopie, sur l’existence de la tour de Syène et le camp retranché de Philœ, sur les fameuses cataractes, en un mot sur tout ce qui regardait la configuration du pays, ses divisions, ses habitans. Il étudia tout, afin de se servir de ces renseignemens, comme il le fit en effet, dans l’interprétation de l’Ancien Testament. Coupant ainsi la Basse-Égypte en travers, d’un bras à l’autre du Nil, nos voyageurs arrivèrent enfin à sa bouche occidentale, et saluèrent de leurs acclamations la ville de Nô.

Sous ce nom d’une antique bourgade pharaonique, Nô n’était pas