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Judée, interrogé les souvenirs de ses antiques cités, étudié sa géographie. « Ce travail, ajoute-t-il, j’ai pris soin de le faire avec les plus érudits des Hébreux : j’ai parcouru avec eux la contrée que proclament toutes les bouches chrétiennes. » Or il y avait à Tibériade plus que des érudits isolés, il y existait une société de rabbins et une académie hébraïque. Après la ruine du temple et la dispersion des Juifs sous Titus, tout ce qu’il y avait de docteurs à Jérusalem et de Juifs instruits attachés à l’ancienne loi s’étaient retirés à Tibériade, où ils avaient fondé une école célèbre, celle d’où est sortie la Mischna. Ces rabbins s’occupaient beaucoup d’interprétation biblique. Jérôme dut les rechercher avec un empressement qui sans doute aussi fut réciproque, malgré l’opposition des croyances et la différence des points de vue. C’est alors probablement qu’il se lia avec le rabbin Barraban, homme admiré pour sa science, estimé pour son caractère, et qui le servit efficacement dans ses travaux. Le grand docteur chrétien rentra donc à Jérusalem avec un trésor de renseignemens et de notes qu’il avait conquis sur l’ennemi, comme jadis les vases d’Égypte, emportés par Israël. Mais le plus précieux trésor était dans sa vaste mémoire, qui valait à elle seule toutes les notes et toutes les bibliothèques du monde.


V

Ils avaient vu le passé du christianisme dans son berceau ; il leur restait à le voir vivant et agissant dans un de ces grands corps cénobitiques où l’esprit du siècle trouvait la perfection de la vie chrétienne. Aiguillonnée par l’exemple de Mélanie, Paula voulait visiter à Nitrie cette Ville des Saints qui n’avait pas sa pareille dans la chrétienté, et auprès de laquelle les monastères de l’île de Chypre n’étaient guère plus que le conventicule de Marcella auprès des fondations d’Épiphane. Elle voulait aussi se plonger dans la poésie mystique du désert, en contemplant ces héros du monachisme dont les légendes avaient fait tant de fois battre son cœur, et ses désirs étaient partagés par ses jeunes compagnes. Jérôme ne voulut point les quitter. Il trouvait d’ailleurs dans ce voyage une occasion de continuer en Égypte le travail d’exploration biblique qu’il avait commencé en Judée. Tous se préparèrent donc avec joie, et la caravane, organisée pour un voyage plus long et plus aventureux que celui qu’ils venaient d’accomplir, gagna de toute la vitesse de ses montures la ville philistine de.Gaza.

Ils ne purent cependant point passer à Socoth sans que Paula eût la fantaisie de visiter la fontaine de Samson jaillie d’une dent de la mâchoire d’âne, et de se désaltérer à cette eau. Marasthim lui donna une tentation pareille, elle voulut aller prier sur le tombeau