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coup d’œil embrasser tout le pays de Galilée et le cours du Jourdain supérieur. Paula, que les beautés de la nature saisissaient vivement, comme toutes les âmes tendres, se fit expliquer le tableau imposant qui se déployait, sous leurs yeux. Ils apercevaient à leur droite et dans le lointain, nous dit Jérôme, l’Hermon, point culminant de tout le Liban, et où le Jourdain prend sa source au milieu des neiges éternelles. Le fleuve, courant du nord au sud, apparaissait ensuite comme une ligne blanchâtre tracée à l’orient. A l’occident, on pouvait distinguer la Grande-Mer, et suivre le cours du fleuve Cison qui s’y jette, après de longs méandres, à travers la plaine de Galilée, qu’il coupe par le milieu. La campagne était parsemée de villes et de bourgades, nommées dans l’Ancien ou le Nouveau Testament. Ici on remarquait le lieu où la prophétesse Débora rendait la justice sous un palmier, et celui où par ses conseils l’armée de Sisara fut anéantie ; là le bourg de Béthulie, patrie de Judith ; plus loin Endor, avec son autre prophétesse et ses évocations magiques ; enfin, au midi et sur la rive même du Gison, Naïm, où Jésus ressuscita le fils de la veuve, et qui était encore au IVe siècle une ville assez importante. Dans le récit malheureusement trop abrégé de ce voyage, Jérôme nous retrace cependant avec complaisance les grandes lignes de ce tableau, comme s’il avait encore vivans dans la pensée sa propre émotion et l’enthousiasme de son amie.

Ils touchaient au bout de leur pèlerinage, et Jérôme en précipite le récit. « Le jour finirait plus tôt que ces lignes, nous dit-il, si je voulais énumérer tous les lieux parcourus par la vénérable Paula. » Il cite Capharnaüm, où nos pèlerins ne virent plus sur le front de la ville superbe et incrédule que le signe de son châtiment. Traversant le lac de Génézareth « sanctifié par la navigation du Seigneur, » ils visitèrent le désert témoin de la multiplication des pains : Tibériade enfin les reçut dans ses murs, où le voyage se termina.

Cette dernière de toutes leurs stations ne fut probablement pour Jérôme ni la moins agréable ni la moins fructueuse. Nous avons fait remarquer avec quel soin cet admirable voyageur, partout où il passait, recherchait les Juifs instruits pour causer avec eux, leur proposer des difficultés et s’éclairer de leurs lumières. La position exacte des endroits cités dans les Écritures, leurs noms, la signification de ces noms lui paraissaient une étude indispensable à qui veut saisir la Bible au vif et surtout la commenter. Il disait à ce sujet, que « de même que l’on comprend mieux les historiens grecs quand on a vu Athènes, et le troisième livre de l’Enéide quand on est venu par Leucate et les monts Acrocérauniens, de la Troade en Sicile, pour se rendre ensuite à l’embouchure du Tibre, de même on voit plus clair dans les saintes Écritures quand on a parcouru la