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culeux ne se retrouvaient plus, mais les vignobles d’Escole méritaient toujours leur renom de fertilité. D’Escole, ils passèrent dans la grande vallée de Membré, antique résidence d’Abraham et à jamais célèbre par les récits de la Genèse.

Un respect, universel en Orient, entourait ce berceau de la plupart des peuples orientaux : on venait le visiter, non-seulement de toute la Judée, mais des contrées païennes au-delà du Jourdain, de l’Idumée, de l’Arabie, des déserts habités par les Ismaélites, et le respect avait de bonne heure dégénéré en superstition. L’arbre traditionnel de Membré, sous lequel Abraham avait reçu ses hôtes divins se rendant à Sodome, devint, par la suite des temps, l’objet d’un véritable culte ; ses rameaux étaient perpétuellement chargés d’offrandes et d’ex-voto ; on l’adorait comme une idole. L’empereur Constance crut faire cesser l’idolâtrie en abattant l’arbre et faisant construire à la place une église chrétienne ; mais l’idolâtrie ne prit point le change, elle se transporta sur un arbre du voisinage. Au reste, celui de Membré avait maintes fois changé d’espèce et de lieu depuis les jours du premier patriarche. Au temps d’Abraham, c’était un chêne, au temps de l’historien Josèphe un térébinthe, et ce fut encore un térébinthe que Constance sacrifia à ses scrupules religieux ; maintenant on montrait aux étrangers un chêne, et Jérôme put raconter sous son ombrage, aux amis qui l’accompagnaient, les détails que je viens de donner et que j’ai tirés de ses livres ; Ils ne quittèrent point Membré sans aller visiter « la caverne double » achetée par Abraham pour y déposer le corps de Sara, et, gravissant une montagne assez escarpée, ils entrèrent dans la ville d’Hébron. Hébron, une des plus anciennes cités des Chananéens, portait en hébreu le surnom de Cariath-Arbé, « la ville des Quatre-Hommes, » parce qu’elle renfermait les tombeaux d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, celui du grand Adam, le père du genre humain, quoiqu’une autre tradition place sa sépulture sous la montagne même du Calvaire. Abraham, Isaac et Jacob y avaient à leurs côtés, dans le même monument, Sara, Rébecca et Lia, leurs femmes ; on ne dit pas qu’Eve y fût près d’Adam. Le monument d’ailleurs, orné de marbres précieux, était une œuvre des Juifs ; les chrétiens y avaient ajouté une église. Nos pèlerins admirèrent sur les flancs de la vallée les bassins creusés jadis par Othoniel pour l’irrigation des arides terrains de la plaine. C’était un indice remarquable de l’art des premiers Hébreux et du soin qu’ils apportaient à l’agriculture ; nos voyageurs voulurent y voir aussi, tant l’interprétation mystique excitait leur imagination, un symbole du baptême, dont les eaux ont porté la vie dans les stérilités de l’ancienne loi.

Le lendemain de cette course aux bassins d’Othoniel, Paula voulut