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ques mois, dans une circulaire qui tendait à faire prédominer certaines influences restrictives dans l’enseignement ; elle ne se manifestait pourtant encore qu’avec timidité. Elle s’est affirmée depuis par une multitude de symptômes, notamment par un nouveau projet de loi sur la presse qui n’était point certes ce qu’on pouvait attendre, qui égalait en rigueur tous les précédEns, qui créerait même de nouvelles entraves, s’il était accepté, et par une circonstance curieuse de plus c’est au moment même où M. Gonzalez Bravo célébrait les heureux effets de la politique conciliante par laquelle il avait signalé son avènement, lorsqu’il constatait la tranquillité du pays au milieu d’une liberté plus étendue de discussion et de réunion, c’est à ce moment qu’il proclamait avec une singulière logique que l’heure était venue de relever les barrières, un instant abaissées par une sorte de condescendance ! — Le pays n’avait eu nullement à souffrir des libres polémiques des journaux, donc il fallait revenir à l’exécution rigoureuse d’une loi sur la presse dont on avait vingt fois signalé les duretés choquantes, — C’était par trop avouer qu’on avait joué la comédie pour les élections et même un peu pour l’Europe, à qui on envoyait des circulaires. M. Gonzalez Bravo a relevé les barrières en effet, et il en est résulté cette situation où M. Llorente, qui représentait à l’origine dans le cabinet l’élément le plus nettement opposé à toute réaction, a été le premier à se retirer, où bientôt après la fraction libérale du parti ministériel qui siège dans le parlement, et qui a dans la presse le Contemporaneo pour organe, s’est détachée à son tour, tandis que le cabinet s’est trouvé du même coup rapproché des vieux débris du parti conservateur, du comte de San-Luis, mieux encore, de M. Nocedal, qui lui a promis l’appui de ses sermons absolutistes dans le congrès. M. Llorente a montré un coup d’œil d’homme d’état en se retirant à propos ; il a été habile en restant conséquent. M. Nocedal, à son point de vue, n’a point été sans habileté en saisissant l’occasion de donner à ses fantaisies absolutistes l’apparence d’un rôle. Le ministère, lui, a trouvé l’impuissance en tout cela. Aussi, depuis six mois, qu’a-t-il fait ? Il n’a rien fait à peu près, et le peu qu’il a essayé porte la marque d’une politique embarrassée, dénuée de tout esprit d’initiative.

De toutes les questions que le ministère trouvait devant lui à sa naissance, quelle est celle qu’il a résolue ? Elles sont là encore, pendantes et pressantes. Nous ne parlons pas même des grandes questions extérieures, telles par exemple que les rapports de l’Espagne avec l’Italie. Il est convenu que l’Espagne n’a rien à faire avec l’Italie, qu’elle ne la connaît pas et la reconnaît encore moins. Les hommes d’état de Madrid ne sont pas pressés : ils auront une opinion quand elle ne servira plus à rien, quand ils auront bien laissé s’attarder leur pays dans une abstention puérile ; mais il est d’autres questions qu’il n’était pas aussi facile d’éluder. Il y a plus de quatre mois déjà que l’abandon de Saint-Domingue a été proposé. C’était là certainement une de ces affaires qui exigent une solution prompte, en