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rons, quant à nous, dans l’opinion que nous avons plus d’une fois exprimée ici ; nous sommes convaincus que l’Italie et le pape, lorsqu’ils se trouveront face à face et qu’il n’y aura plus d’étrangers, sauront s’entendre et pourront résoudre d’une façon imprévue la question romaine. Nous avertissons ceux de nos amis que l’opinion libérale ne peut voir sans étonnement se vouer à la défense du pouvoir temporel qu’ils sont exposés de ce côté à de curieuses surprises, et courent le danger de se réveiller un jour plus papistes que le pape.

L’empereur est parti pour l’Algérie. Aucune explication officielle n’ayant été donnée sur l’objet politique et la convenance de ce voyage, nous croirions nous rendre coupables d’indiscrétion, si nous cherchions à feu deviner le sens et à en expliquer d’avance la portée.


E. FORCADE.


Lorsque M. Thiers, avec son éminent esprit et sa vive éloquence, exposait récemment dans la discussion de l’adresse les conditions d’un bon gouvernement, c’est-à-dire d’un gouvernement libre, il nous a proposé, entre autres modèles d’un régime vraiment constitutionnel, l’exemple de ce qui se fait en Espagne. L’honorable M. Thiers, qu’il nous permette de le dire, était trop modeste, et nous avons bien le droit d’avoir une plus haute ambition : il a réjoui l’orgueil du ministre de l’intérieur de Madrid, M. Gonzalez Bravo, qui a pu se parer de ce bienveillant certificat de libéralisme ; mais M. Thiers a pris une circulaire pour la réalité, ou tout au moins il s’est trompé de date dans l’histoire de la politique espagnole actuelle. La situation de l’Espagne n’est malheureusement ni aussi brillante ni aussi enviable ; depuis quelque temps même, elle retombe à vue d’œil dans une de ces crises qui font tout aussitôt courir en Europe les bruits d’une révolution ou d’une émeute à Madrid. Après six mois d’existence du ministère Narvaez, voilà où en est l’Espagne : des coups de fusil dans la rue, l’agitation extérieure retentissant dans le parlement, les passions rallumées, les affaires allanguies et comme nouées. A qui la faute ? comment se fait-il qu’en pleine possession d’une majorité parlementaire habilement conquise, au milieu d’un pays qui ne demande qu’à vivre à l’abri des commotions, qui a besoin de la paix et qui le sent, comment se fait-il qu’ainsi placé le gouvernement se trouve conduit tout à coup à une de ces échauffourées sanglantes que rien n’explique ni ne motive ? — C’est la faute de l’opposition, dira-t-on ; c’est la faute des révolutionnaires et des démagogues : le ministère n’y est pour rien, il n’a fait que défendre l’ordre et le principe d’autorité. — Le ministère est pour beaucoup au contraire dans les dernières scènes de Madrid, ou, pour mieux dire, dans l’épaisse confusion qui règne au-delà des Pyrénées, et il subit aujourd’hui la conséquence de la situation qu’il s’est créée par les déviations de sa politique ; il voit se relever contre lui tout ce qu’il a dit, tout ce qu’il a fait, la raison de son origine, les attesta-