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sera donc un port prussien ! Que deviennent les droits du futur et hypothétique duc de Holstein, et ceux de la diète fédérale, et ceux de l’Autriche, qui s’est jointe à la Prusse pour faire la conquête des duchés ? La lente Autriche, dont les ministres dans ces derniers temps se sont montrés plus lents qu’en aucune circonstance passée, l’Autriche s’émeut et demande des explications à la Prusse. Voilà M. de Bismark bien heureux ! Il tient le sujet d’une de ces controverses transversales qui ont pour lui un prix infini, car elles font gagner du temps et ajournent la solution principale. M. de Bismark se retourne donc vers l’Autriche. « Vous commettez, lui dit-il, une étrange méprise, si vous vous imaginez que je fais de Kiel un arsenal prussien parce que j’y envoie une escadre. Vous pourriez vous tromper sur les apparences, si j’envoyais toute ma flotte à Kiel ; mais je n’en fais entrer qu’une partie dans cette belle rade. Je fais simplement acte de co-possesseur ; vous et moi, nous sommes co-possesseurs des duchés ; je le suis autant que vous, vous l’êtes autant que moi. Entendons-nous ensemble, si vous le voulez, sur la façon dont nous devrons co-posséder. » Le débat est en train ; quand finira-t-il ? Probablement pas avant qu’il ne plaise à quelque grosse puissance de chercher dans les empiétemens de la Prusse l’occasion et le prétexte de satisfaire quelque part son appétit. Les peuples allemands aiment les États-Unis, y émigrent, y fondent des cultures et des villes. Quand on voit les misères dans lesquelles ils sont traînés par leurs pompeux hommes d’état aux grands uniformes constellés de plaques, on se demande s’ils ne feraient pas mieux de réaliser chez eux les États-Unis, au lieu d’aller les chercher au-delà de l’Atlantique.

En Angleterre, si l’on ne rencontre pas toujours le brillant et l’éclat, on évite du moins l’absurde et on tombe souvent sur le bon sens et la solidité. Le parlement a fini ses vacances de Pâques, et la chambre des communes a eu cette solennité annuelle qui s’appelle l’exposé financier du chancelier de l’échiquier. M. Gladstone a présenté avec son talent accoutumé la revue des finances anglaises. Le résultat du dernier exercice financier lui fait honneur, ainsi qu’à son pays. Les dépenses ont été inférieures aux prévisions ; les recettes tout au contraire ont dépassé de beaucoup l’estimation primitive. M. Gladstone se trouve ainsi, en clôture d’exercice, maître d’un excédant disponible supérieur à 100 millions de francs. En parcourant les divers articles de recettes, M. Gladstone y trouve, suivant son habitude, la matière d’une histoire intéressante du commerce anglais durant l’année écoulée ; mais l’intérêt d’un pareil exposé en Angleterre n’est point là précisément : il est surtout dans l’emploi pratique que l’on devra faire de l’excédant de ressources dont on dispose. Un tel excédant, le fameux surplus des chanceliers de l’échiquier, fournit le moyen de dégrever les taxes. Là commence la bataille des taxes, qui, à l’envi l’une de l’autre, demandent la faveur du dégrèvement, et chacune d’elles a de chauds avocats dans les partis et les intérêts économiques représentés à la cham-