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se montra surtout blessé, c’est du mode employé et de la surprise qu’on lui avait faite. De nouveau il protesta résolument qu’il n’accepterait jamais l’acte qu’on lut présentait, et qui était expressément contraire aux volontés du pape. Sur ces paroles, Joseph intervint, II appuya sur les conséquences fâcheuses d’une rupture de la négociation. Il fallait tout essayer pour s’entendre et commencer ce jour-là même séance tenante ; cela était indispensable à cause de l’annonce mise dans les journaux et de la proclamation de la conclusion du concordat qui devait être faite au grand dîner du lendemain. « Il n’est pas difficile d’imaginer à quel degré d’indignation et de fureur (ce furent ses paroles textuelles) s’emporterait un caractère qui ne cédait à aucun obstacle comme celui de son frère, s’il devait paraître aux yeux du public avoir inséré dans ses propres journaux une faussé nouvelle sur un sujet d’une telle importance. »

Joseph suppliait donc le cardinal de tenter au moins, et cela immédiatement, un accommodement quelconque. Consalvi, touché des raisons qu’avait fait valoir le frère du premier consul et charmé de son air de sincérité parfaite, consentit à recommencer un nouveau travail, à la condition toutefois qu’on prendrait pour base le plan de concordat qu’il avait apporté lui-même, et non point la copie fautive de l’abbé Bernier. Ainsi fut fait. Il était cinq heures de l’après-midi, et la discussion s’ouvrit immédiatement. Ni les domestiques n’avaient été renvoyés, ni les voitures dételées, parce que de part et d’autre on espérait en finir promptement. Cependant toute la nuit s’y passa sans trêve ni repos, et le débat se prolongea jusqu’au lendemain à midi. Consalvi, qui paraît avoir gardé l’impression la plus pénible de ces dix-neuf heures de discussion continue et acharnée, nous assure qu’il ne saurait énumérer les terribles assauts qu’il eut à soutenir. A midi environ, toutes les questions agitées étaient à peu près résolues. Une seule restait sur laquelle Consalvi ne pouvait absolument, disait-il, donner satisfaction au premier consul ; car cela dépassait ses pouvoirs ; mais il proposait de l’omettre et d’en laisser au pape la décision ultérieure. Cela fut ainsi arrêté, et vers une heure Joseph partit pour les Tuileries sans cacher qu’il craignait d’en rapporter une réponse peu favorable.

Il revenait en effet, peu de temps après, révélant par son visage la tristesse de son âme. Le premier consul, en apprenant ce qui était arrivé, était entré, dit-il, dans la plus violente fureur. Dans l’impétuosité de sa colère, il avait commencé par déchirer en cent morceaux la feuille du concordat, puis à la longue, à force de raisons souvent répétées, de sollicitations et de prières instantes, il avait avec une indicible répugnance accepté tous les articles convenus ; mais, à l’égard de celui laissé en réserve, il était finalement