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lieu de la personne du premier consul, Spina trouva dans cette ville l’avis d’avoir à se rendre à Paris, où il était immédiatement attendu.

D’après le rang de celui qui le donnait et la manière dont il était signifié, cet avis valait un ordre. Consalvi soupçonne même, avec assez de raison, que le premier consul n’avait jamais eu l’intention de s’aboucher à Turin avec Mgr Spina. Demander tout d’abord à Pie VII d’accréditer le premier un représentant à Paris, c’était beaucoup pour commencer. D’un autre côté, quel triomphe, et pour ses secrets desseins quel appui, s’il pouvait montrer aux Parisiens émerveillés un envoyé du pape confondu dans la foule de ceux qui sollicitaient aux Tuileries l’honneur de l’entretenir des grandes affaires du moment ! Bonaparte avait donc imaginé cette ruse tant soit peu italienne. Avec une finesse non moins italienne, la cour de Rome l’avait deviné, et s’y prêtait sans paraître s’en douter, parce que cela servait aussi ses intérêts ; Après un moment de légère hésitation, et muni, pour plus de précaution, de l’assistance d’un savant théologien piémontais, le père Caselli, général des servîtes, Mgr Spina se mit à suivre Bonaparte. Il arrivait à Paris vers le milieu de juillet.

Les pourparlers commencèrent, aussitôt. Est-il besoin d’avertir qu’en cette circonstance comme toujours le premier consul avait résolu de ne s’en rapporter qu’à lui-même ? Il entendait rester de son côté l’unique négociateur. Des motifs particuliers l’engageaient à tenir à l’écart d’une si importante transaction son propre ministre des affaires extérieures, celui-là même dont il prenait à cette époque le plus volontiers les conseils dans tout ce qui regardait les rapports de la France nouvelle avec la vieille Europe. En sa qualité d’ancien évêque, M. de Talleyrand lui était en effet doublement suspect. Avec sa méfiance accoutumée, il craignait de le trouver, ou mal disposé pour une église dont il s’était publiquement séparé, ou trop porté aux complaisances, s’il voulait faire régulariser par elle sa rentrée dans le siècle. M. de Talleyrand devinait à demi-mot la pensée de son chef. Tranquille, indifférent, et, comme à son ordinaire, légèrement railleur, il acceptait parfaitement de se renfermer aussi longtemps qu’on voudrait dans son rôle purement officiel, et se gardait bien d’offrir des avis qu’on ne lui demandait pas. Il fallait cependant des tiers pour traiter les questions de détail. Le premier consul fit-choix, parmi les laïques et dans le sein du conseil d’état, de MM. Portalis, Cretet et Bigot de Préameneu. L’intervention d’un ecclésiastique, homme pratique et du métier, n’était pas moins indispensable. Il se décida en faveur de l’abbé Bernier. Le rôle de l’abbé Bernier, plus tard évêque d’Orléans, a été si con-