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d’une prétendue invitation de son oncle, le cardinal Carandini, à venir le rejoindre à Vicence. Semblables prétextes étaient alors nécessaires aux hommes considérables de l’église pour quitter la capitale des Deux-Siciles. Le roi Ferdinand tenait à les garder tous auprès de lui en vue de la réunion d’un prochain conclave, rendu assez probable par le déplorable état de santé du captif de la chartreuse de Florence. Ce fut donc en fugitif que Consalvi débarqua à Livourne. Il ne dut pas employer de moindres stratagèmes pour arriver jusqu’auprès du saint-père, déjà presque mourant. Pie VI aurait vivement désiré le garder près de lui. Quelle consolation pour lui et quel secours que l’aimable société d’un fidèle serviteur ! On ne pouvait connaître Consalvi sans l’aimer, et Pie VI le chérissait plus que personne. Les autorités italiennes du grand-duché de Toscane, surveillées et contraintes par les agens du directoire français, ne permirent point ce rapprochement. Elles signifièrent à l’ancien secrétaire de la congrégation des armes d’avoir à quitter les états du grand-duc. Dans une seconde entrevue, pleine d’émotion, de tendresse et de larmes, Consalvi reçut à genoux les tendres conseils du pape, sa bénédiction suprême, avec ses instructions secrètes pour son neveu, le cardinal Braschi, et pour le doyen du sacré-collège, le cardinal Albani, réfugiés tous deux à Venise.

Nous avons dit, à propos du conclave, comment à la mort de Pie VI les membres du sacré-collège, sans entente préalable, se trouvèrent tous à peu près d’accord pour choisir comme secrétaire le prélat qui avait eu l’honneur de recueillir de sa bouche même les dernières confidences du défunt pape. Consalvi nous assure en ses mémoires, et d’un ton propre à mériter confiance, qu’il n’avait pas souhaité cette place. Il nous raconte avec non moins de détails les efforts qu’il tenta, après la fin du conclave, pour dissuader Pie VII de le nommer pro-secrétaire d’état. Ce même effroi de la responsabilité, qui lui avait tant fait redouter sous Pie VI la présidence de la congrégation militaire, exerçait de nouveau sur lui tout son empire. Reprendre simplement ses anciennes fonctions d’auditeur, telle était, répète-t-il souvent, son unique ambition. Lorsque, réintégré dans ses états, le souverain pontife avertit enfin l’habile collaborateur dont il ne pouvait plus se passer de se préparer à recevoir le chapeau de cardinal et à prendre officiellement possession de la secrétairerie d’état, il ne rencontra de sa part qu’hésitations, scrupules et refus persistans. A Rome, non plus qu’ailleurs, semblables refus ne sont pas éternels. Parce que Consalvi finit par céder, il serait injuste de supposer qu’il n’ait pas été, comme tant d’autres en pareille occurrence, parfaitement sincère dans ses premières répugnances. Quoi qu’il en soit, il pratiqua cette fois encore dans toute