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qui ont supprimé les frontières, auront raison des passeports, des tarifs de douane, de l’intolérance et des inégalités de toute sorte qui gênent encore les rapports entre les différens pays. C’est là le problème que notre époque est appelée à étudier sous toutes ses faces, problème dont la solution doit influer non-seulement sur la prospérité matérielle ; mais encore sur la condition politique et sociale du monde civilisé. Cette solution peut être considérée comme infaillible, car elle ne dépend point de conceptions idéales, qui n’enfantent le plus souvent que des mots vides de sens et qui n’aboutissent qu’à l’impuissance des révolutions ; elle dépend d’engins matériels dont on mesure dès à présent la force. Le contact des peuplés à donc développé l’instinct naturel de solidarité à un degré que les époques antérieures ne pouvaient connaître ni même pressentir que par des aspirations vagues et prématurées ; on en trouve la preuve la plus certaine dans l’activité avec laquelle la diplomatie’ s’est appliquée durant ces dernières années à servir, par ses nombreuses négociations, la cause du libéralisme international.

La France, nous aimons à le répéter, est appelée à jouer un grand rôle dans l’œuvre de réforme que nous voyons s’accomplir. Le rang qu’elle occupe, l’influence qu’elle exerce, la facilité d’expansion qui n’a jamais été refusée à ses idées, l’ardeur parfois excessive qu’elle apporte à la propagande, expliqueraient suffisamment la prépondérance de son intervention civilisatrice ; mais nous craindrions de nous en tenir à ces motifs généraux qui risqueraient de paraître empruntés aux partiales illusions du patriotisme. On nous objecterait que l’Angleterre et l’Allemagne ont, elles aussi, quelque droit à revendiquer la direction du mouvement. Il convient donc de justifier par d’autres raisons la prétention que l’on ose exprimer ici. La France est en possession de l’égalité civile et de la liberté religieuse : elle peut, sans faire violence à ses mœurs ni à ses lois ; propager au dehors ces deux grands principes et présenter aux nations qui les attendent encore l’enseignement de son exemple. Quant à la législation industrielle et commerciale, elle a renoncé presque entièrement pour elle-même au système de la protection, et l’on a vu plus haut le parti qu’elle a déjà su tirer de la condition exceptionnelle de son tarif de douane pour amener d’autres pays à concéder des réductions de taxe qu’ils n’avaient point accordées jusqu’ici aux instances de l’Angleterre. Ainsi elle ne rencontre chez elle aucun obstacle qui s’oppose au développement le plus large des rapports internationaux. En second lieu, la réforme qu’il s’agit de poursuivre touche, par une infinité de détails, à l’organisation administrative des états. Or il est généralement admis, même par le témoignage de nos rivaux, que nulle