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aux manœuvres réputées savantes par lesquelles les gouvernemens cherchaient à se tromper et à se devancer les uns les autres sur l’échiquier de la politique. Tout maintenant se fait au grand jour ; il n’est pas de courrier de cabinet, si rapide et si discret qu’il soit, qui puisse se vanter d’être en avance sur la rumeur publique, propageant et commentant en pleine liberté les événemens ou les incidens survenus dans les contrées les plus lointaines. Suivant cette opinion, la diplomatie ne serait plus qu’un organe inutile, nuisible même, dans le mécanisme de la politique. — C’est là, nous le croyons, une grave erreur. L’étude de ces intérêts matériels, qui tiennent une place si grande et si légitime dans les préoccupations de notre temps, ne peut être entreprise à distance. Elle exige un incessant travail de réflexions et de recherches, de constatations et de comparaisons, qui réclament l’action directe et la présence réelle de l’observateur. La vapeur et l’électricité ne sont que des instrumens nouveaux mis au service de la diplomatie ; mais elles ne sauraient remplacer celle-ci, ni la rendre inutile.

Est-ce à dire qu’en s’occupant des intérêts matériels la diplomatie perde de sa dignité et voie son rôle s’amoindrir ? Non certes. C’est par le bien-être universellement répandu que la civilisation se développe ; c’est par le commerce et l’industrie, et, pour nous servir d’un terme plus général, c’est par le travail que s’accroît la richesse des peuples modernes, que leur puissance se conserve, et que leur influence se propage. Il convient dès lors que le diplomate connaisse Adam Smith aussi bien que Grotius et Vattel, les lois économiques aussi bien que le droit des gens. C’est ainsi qu’il est en mesure de remplir la mission pacifique et conciliante qui lui appartient. Passez en revue les négociations engagées en Europe depuis 1815, date à laquelle commence l’œuvre de la diplomatie contemporaine : vous observerez un grand nombre de traités ou de conventions destinés à régler des intérêts exclusivement politiques ; mais plus nombreux encore sont les actes qui, s’appliquant aux intérêts économiques, ont amélioré les relations internationales. C’est dans ce sens que penchent les désirs des peuples et la sollicitude des gouvernemens : c’est sur ce terrain que la diplomatie a remporté ses meilleures victoires en rendant le plus de services. Remarquez en outre que la plupart de ses œuvres politiques n’ont eu qu’une existence éphémère, tandis que ses négociations commerciales ont produit des résultats certains et durables. Cette simple comparaison indique quel est désormais son rôle dominant, que nous voudrions exposer ici par l’énumération des principaux actes économiques qui ont été accomplis, pendant ces dernières années, par la diplomatie française.