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le vol de Scaurus, paraissait encore monstrueux. Si la première pensée de nos pieuses Romaines avait été pour Jonas, on n’en saurait guère douter, la seconde fut certainement pour Andromède. L’aventure d’une jeune beauté persécutée, et sauvée par un jeune guerrier, qu’elle soit de la fable ou de l’histoire, aura toujours le don d’intéresser les femmes. Il y avait aussi « tout proche de la mer, » suivant le mot des Actes des Apôtres, un lieu qui intéressait nos voyageurs, la maison du corroyeur Simon, où saint Pierre, dans une vision symbolique, avait reçu de Dieu l’ordre de catéchiser les gentils. L’échoppe s’était changée en une élégante chapelle que visitaient toujours les pèlerins : les nôtres n’y pouvaient manquer. Du haut du coteau dont la ville couvrait les pentes, Ils purent assister à un spectacle magnifique. L’œil embrassait de là le grand massif des monts de la Judée, s’élevant par assises superposées, comme les gradins d’un amphithéâtre, jusqu’aux montagnes de Jérusalem, qui en formaient le point culminant. Le voyageur y prenait, pour ainsi dire une possession anticipée de la ville sainte ; cette vue dut communiquer à Paula et à ses compagnons un désir violent de repartir.

Quittant Joppé, ils traversèrent la plaine de Saron, dont les roses sont célébrées par l’Écriture ; mais l’hiver ne faisait que finir, et Saron n’avait point encore ses parfums. Deux endroits renommés se présentèrent d’abord sur leurs pas : à droite Arimathie, patrie de l’homme juste qui mérita l’honneur de donner son tombeau au Christ ; à gauche, Nobé, plus sépulcre que ville, suivant le mot de Jérôme, ancienne bourgade lévitique dont le roi Saül, dans une de ses fureurs, avait fait passer au fil de l’épée tous les habitans parce qu’ils se déclaraient pour David. La petite caravane ne s’y arrêta pas : Diospolis au contraire la retint. Diospolis, ou plutôt Lydda, pour lui rendre son nom hébraïque, possédait dans ses murs un de ces trésors que Jérôme cherchait avec passion, et qu’il ne quittait qu’à regret quand il l’avait trouvé : c’était un Juif instruit qui pût le guider dans la connaissance des lieux qu’il parcourait et répondre à toutes ses questions. Le rabbin qui habitait Lydda était estimé de ses compatriotes non moins pour son caractère que pour son savoir. Jérôme se lia avec lui et le fit venir plus tard à Bethléem pour lire ensemble le livre d’Esther ; mais le Juif ne donnait pas gratuitement ses leçons, et Jérôme se plaint d’avoir payé un peu cher le profit qu’il en tira. Ce qu’il fit à Lydda, il le répéta tout le long de la route. Quand il ne trouvait pas de savans, il s’adressait aux habitans et aux guides. Lui-même nous raconte avec une joie naïve que, sur les indications d’un « certain Hébreu, » il découvrit la vraie position d’un village sur lequel les commentateurs de la Bible avaient