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ter ; il faut ou la désarmer en la satisfaisant ou la comprimer en lui résistant. L’une de ces politiques est celle du centre gauche, l’autre est celle du centre droit. Tous deux sont modérés, mais tous deux veulent amener à la modération, l’un la gauche, l’autre la droite. De ces deux systèmes, il va sans dire que le premier est celui que M. Duvergier de Hauranne préfère, et c’est assurément celui dont la pratique était la plus tentante et le succès le plus désirable ; mais était-ce chose praticable que cette tentative et ce succès ? En inclinant au parti libéral, le centre gauche poussait à ses dernières limites l’exaspération du côté droit et les alarmes de l’autre centre. Une défiance inquiète remplaçait l’union un moment puissante des deux partis intermédiaires ; peu à peu le centre gauche devait se voir relégué dans l’isolement, réduit à sa faiblesse numérique, s’il ne regagnait sur la gauche tout ce qu’il perdait sur la droite. Pendant un temps, cette situation difficile avait été ajournée, masquée par l’influence conciliatrice de M. Decazes. Dépositaire en quelque sorte de l’autorité royale, il était nécessaire à tout parti qui voulait prévaloir, et, brouillé sans retour avec la droite, il ne pouvait se fortifier qu’en s’étendant vers la gauche. De ce côté, on l’avait donc ménagé ; il donnait des espérances, et obtenait de la patience en échange. D’abord il avait pu tenir ensemble les deux centres, puis faire pencher la balance vers le centre gauche ; mais alors celui-ci ne paraissait plus que l’avant-garde de l’opposition libérale, et l’alarme gagnait le centre droit : elle arrêtait M. Decazes dans son mouvement et le ramenait en sens contraire. C’est ainsi que, renonçant à l’alliance de la gauche et cherchant à se replacer sur une ligne intermédiaire, il méditait une réaction vers la droite, lorsque la mort du duc de Berri avait servi d’instrument à ses ennemis pour l’abattre. Le centre gauche se trouvait donc abandonné, livré à ses propres forces, suspect à la cour, sans lien avec la royauté. C’était la moins forte fraction de la chambre élective, il ne pouvait rien à lui seul, et il aurait pu davantage, qu’on ne sait si son programme eût réussi. Exécuter franchement, hardiment la charte, développer toutes les libertés qu’elle promettait, et refuser au parti libéral d’adopter ses couleurs, d’épouser ses ressentimens, ses regrets, ses exigences, c’était une œuvre contradictoire ; c’était adopter ses principes et proscrire ses sentimens. On ne pouvait attendre de lui ni la complaisance, ni le désintéressement, ni la sagesse qu’il lui aurait fallu pour se faire l’auxiliaire journellement désavoué d’un pouvoir dédaigneux. À la fois nécessaire et suspect, il n’aurait pu plier ses préjugés ni son orgueil aux conditions d’une telle alliance, pas plus que l’orgueil et les préjugés du centre gauche n’étaient disposés à fléchir pour se fondre avec lui. Profes-