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du pouvoir et des partis, de tirer de cet examen les garanties d’un avenir calme et assuré.

En dépit de toutes fictions constitutionnelles, c’est dans une monarchie héréditaire une chose capitale que la dynastie. Or celle qui régnait, jugée sur d’autres témoignages que ceux de ses ennemis, ne pouvait inspirer de sécurité à la prévoyance. Les publications récentes qui ont répandu un éclat si favorable sur le caractère de Marie-Antoinette, et relevé son esprit même fort au-dessus du rang où le plaçaient les contemporains, ont jeté une lumière désolante sur son parti et sur sa famille. La correspondance de la plus infortunée des reines est accablante pour l’émigration et pour ses chefs. Louis XVI lui-même sort de l’épreuve plus atteint par les aveux involontaires de sa femme et de sa sœur que par les injures de l’inimitié révolutionnaire, et il a besoin de toute la majesté du malheur pour conserver ses droits au pieux respect de l’histoire. Ses frères, à les juger sur ces lettres accusatrices, n’auraient jamais mérité de régner. Louis XVIII cependant a laissé une meilleure mémoire dans le monde que dans le souvenir de ceux qui l’ont connu. N’est-il pas depuis 89 le seul roi qui soit mort sur le trône ? Il n’était dénué ni de sagesse ni de dignité. Enfin la fortune l’a bien traité, et il a régné au bon moment. M. Duvergier de Hauranne le juge avec bienveillance et en donne une idée supérieure peut-être à celle qu’en gardaient ses serviteurs les plus éclairés ; mais enfin, quoi qu’on pense de ses lumières et de sa prudence, ce prince ombrageux et vain avait besoin d’être gouverné. Il ne pouvait se passer de favori. L’empire prolongé du duc de Blacas aurait pu le perdre, l’influence du duc Decazes le sauva, et fut pour beaucoup dans le renom qu’il a laissé. On a peine à s’expliquer la confiance inattendue qu’un vieux roi, élevé à Versailles, prit en un jeune homme chez qui rien ne rappelait l’ancien régime, ni comment une intelligence infatuée des frivolités de la littérature goûta passionnément un esprit plus pratique que cultivé, plus fait pour les choses positives que pour les bagatelles de la conversation. Ces deux esprits s’accrochèrent cependant, et l’engouement n’était pas tout entier du côté du prince. Ce n’en fut pas moins une très heureuse circonstance que cette intimité fortuite. M. Decazes en usa avec habileté, et put, grâce à elle, rendre à la France des services qu’elle ne doit pas oublier. Il semble qu’il ait eu dans l’action des qualités que ses entretiens n’auraient peut-être pas laissé soupçonner. Il ne serait pas le seul parmi les hommes politiques qui aurait eu besoin, pour trouver toute sa valeur, d’avoir quelque chose à faire. Un homme d’état fort différent de lui, M. de Villèle, était un peu dans le même cas. L’homme en lui semblait inférieur au ministre.