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la marche fut lente, mais constante, et qui, malgré la prudence de ceux qui l’avaient commencée, l’habileté de ceux qui l’ont continuée, devait peu à peu creuser entre la monarchie et la France l’abîme où la première devait un jour se précipiter.

Il se pourrait que pour une bonne partie de nos jeunes lecteurs ces dates 1820, 1821, 1822 ne fussent que des chiffres chronologiques qui ne rappellent ni un fait, ni un nom, ni une idée. Il faut donc leur dire qu’au commencement de 1820 diverses causes, dont les imprudences du parti libérale n’étaient pas les moindres, avaient poussé le gouvernement royal à revenir sur ses pas dans la voie d’apaisement et de progrès où depuis le 5 septembre 1816 il s’était engagé. À la faveur d’un événement sinistre, l’assassinat du duc de Berri, le côté droit avait obtenu le renvoi du duc Decazes, suspect à ses rancunes, et un ministère encore modéré, mais plus docile, s’était prêté à lui faire obtenir un système électoral plus conforme à ses vues. Cette évolution rétrograde avait provoqué dans la portion la plus ardente de l’opposition des colères et des espérances qui éclataient en conspirations moitié bonapartistes, moitié républicaines. Malgré une répression tour à tour indécise ou violente, ces complots se renouvelaient, encouragés par l’exemple de l’Espagne, dotée d’une révolution par une insurrection militaire, et l’année suivante cet exemple était imité à Naples et bientôt en Piémont. Cependant l’empereur expirait à Sainte-Hélène, et sa mort semblait donner aux conspirations un nouveau caractère, quoiqu’elle n’en ralentît pas l’activité. L’Europe, alarmée, courroucée, rassemblait à Troppau, à Laybach, ses conseils de rois pour menacer, puis pour frapper toutes les révolutions, surtout celles d’Italie, et le ministère français, impuissant à modérer leur victoire par une transaction constitutionnelle, se voyait contraint à tout tolérer sans tout approuver, de même qu’à l’intérieur, il irritait le parti libéral sans contenter ses adversaires. Il avait cru inventer un nouveau juste milieu, et, dominé de plus en plus par l’influence des royalistes, il leur frayait la route, tout en essayant d’ajourner leurs progrès. Un moment secondé par deux de leurs chefs à qui il savait ouvert ses rangs, MM. de Villèle et Corbière, il s’en vit bientôt abandonné, et à la fin de 1821 il était forcé de leur céder la place. C’est alors que fut formé ce cabinet dont la longue administration n’a pas réussi à naturaliser parmi nous la domination d’un parti qui aurait voulu refaire la France au gré de ses souvenirs.

Ces deux années, riches en incidens politiques, ont été pour M. Duvergier de Hauranne l’objet d’une étude heureuse et neuve qui lui a permis de tout éclaircir et de tout représenter avec une vérité persuasive. Des recherches attentives, des confidences pré-