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fraierait pas et qui instruirait la jeunesse libérale du temps présent.

L’auteur de l’Histoire de la Restauration, M. de Viel-Castel, s’est présenté dans la lice plus pesamment armé. Son ouvrage est un tableau complet, tracé d’une main sûre, ferme et fidèle. La sincérité et la probité de l’historien transpirent à chaque page. On sent qu’il cherche l’exactitude parfaite, la rigoureuse équité. Son expression est toujours mesurée, son jugement est souvent sévère. Si, bien contre son gré, il venait à manquer d’impartialité, ce serait pour trop manquer de passion. Une raison froide et calme est exposée à mal saisir les passions qu’elle ignore et à trouver ainsi chez les hommes une extravagance gratuite dont elle ne se rend pas bien compte, et qui lui paraît trop absurde pour mériter qu’on l’étudie. Il faut avoir quelque chose des sentimens d’une époque pour lui rendre pleine justice, et les préjugés mêmes d’un pays ne doivent pas être trop dédaignés, car, aussi souvent que ses lumières, ils décident de ses destinées. M. de Viel-Castel connaît à merveille la France et son temps ; il démêle sans peine les erreurs et les fautes des hommes de parti. Peut-être ne voit-il pas aussi bien d’où viennent ces erreurs et ces fautes ; il est trop exempt d’illusions et d’entraînement. Souvent il a l’air de se demander pourquoi donc on est si peu raisonnable. Or notre siècle, comme le héros de Cervantes, veut que l’on comprenne la raison de sa déraison.

Il faut savoir la trouver. C’est un secret qui se révèle aisément à l’historien qui a vécu de la vie des partis, qui s’est plongé sans crainte dans la mêlée, en conservant l’esprit d’observation dans le tumulte de l’action. C’est l’avantage que possède sur ses rivaux M. Duvergier de Hauranne. En lui, une longue expérience s’unit à une sagacité supérieure. Il a vu, il a senti, il a jugé, il sait peindre. L’esprit de notre époque et de notre pays est pour lui sans mystères. Les illusions comme les mensonges ne lui en imposent pas. Il pénètre à fond tous les sophismes que des passions changeantes suggèrent à la raison trop éprouvée d’un peuple en révolution. Il a connu à l’œuvre nos vertus et nos vices sur le théâtre des événemens. Pour tout comprendre, il n’a qu’à se souvenir, et l’on peut douter que, malgré tout son esprit, il fût un si bon peintre de son temps, s’il n’en avait été le témoin. Il ne serait pas si juste, s’il n’avait jamais été passionné.

Le volume de son ouvrage que nous avons sous les yeux comprend notre histoire parlementaire de la fin de la session de 1820 à la fin de celle de 1822, c’est-à-dire presque toute la durée du second ministère du duc de Richelieu, sa chute et les débuts de l’administration de M. de Yillèle. C’est le tableau d’une réaction dont